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Nous sommes des militant-e-s d'Alternative libertaire habitant ou travaillant en Seine-Saint-Denis (Bagnolet, Blanc-Mesnil, Bobigny, Bondy, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Rosny-sous-Bois, Saint-Denis). Ce blog est notre expression sur ce que nous vivons au quotidien, dans nos quartiers et notre vie professionnelle.

Miele : les abeilles (de la lutte salariale) et les mouches (à merde de l'oppression patronale)

Miele, on connaît : une entreprise allemande de produits électroménagers qui remonte à 1899, et dont le pathétique slogan, « Immer besser » en version originale (« toujours mieux » en français), ne vaudrait tripette que s’il désignait le sens de la lutte nécessaire à rabattre le caquet à l’arrogance des patrons. Sur le site logistique de Lagny-le-sec dans l’Oise (60) en région picarde, organisé afin de réceptionner les marchandises produites en Allemagne pour ensuite les ventiler en France, le toujours pire de l’arbitraire patronal a entraîné le toujours meilleur de la résistance syndicale. Et, refrain connu, seule la lutte paie, et celles et ceux qui ne luttent pas, en faisant ainsi le lit de leurs adversaires de classe, ont déjà perdu d’avance.   

 

Nous sommes au début du mois de juillet et, parmi les trois syndiqués CGT que compte un site dont l’effectif se monte à plus d’une vingtaine de salarié-e-s, deux d’entre eux étaient en train de distribuer des tracts devant le site se trouvant au Blanc-Mesnil afin de préparer leurs candidatures aux élections de représentants auprès du comité d’entreprise prévues pour le mois de septembre prochain. Visiblement, la coupe était pleine pour une direction dont le bon sens patronal l’autorise rien moins qu’à haïr les velléités démocratiques de ses subordonnés, en lui intimant en conséquence l’ordre pavlovien de réprimer ces fauteurs de trouble de la bonne marche du capitalisme.  

 

Résultat : Rachid, salarié âgé de 26 ans, a reçu le 12 juillet une mise à pied conservatoire, son mois de préavis de licenciement devant commencer le 29 du même mois. Lui reproche-t-on d’avoir osé distribuer des tracts à l’extérieur de l’entreprise, et en prévision d’élections du futur CE ? Pas possible, nous ne sommes plus au bon temps du patronat léonin d’avant la conquête des droits sociaux obtenue par la sueur et le sang par le mouvement ouvrier du 19ème siècle. Ce qui est reproché à Rachid, ce serait d’avoir mal classé des documents, d’avoir planqué des chèques dans son bureau, et du coup de ne pas les avoir transmis au siège de la boîte. On a tout à fait le droit de considérer comme un peu court ce montage branlant de motifs ineptes. En effet, ne pas bien classer des documents ne peut relever, au pire, que de l’avertissement. Quant aux chèques retrouvés dans son bureau, d’abord il ne s’agit pas de son bureau attitré (celui-ci est partagé avec deux autres collègues), et ensuite la présence de ces chèques avait été signalée depuis plusieurs mois par Rachid lui-même, en même temps que c’est habituellement au transporteur de les envoyer au siège. Donc, pas de quoi hurler au loup ! Pourtant, les loups capitalistes vont hurler…

 

 

Tout cela pue la discrimination syndicale, que je ne m’y connais pas !

 

 

Le protocole électoral avait déjà été signé (la date butoir était en septembre), et la candidature de Rachid aux élections pour le CE avait été déposée après réception de sa convocation à un entretien préalable à licenciement, mais avant la tenue de celui-ci. La plupart des salariés du site, et particulièrement ceux qui sont syndiqués à la CGT, ne mettent pas trente ans avant de comprendre qu’ils ont affaire présentement à un licenciement abusif qui cache une bonne grosse dose de discrimination syndicale à l’encontre de leur copain Rachid. Normalement, la direction, qui ne pratique même plus consciemment ce type de calcul tant il relève depuis longtemps déjà du réflexe de classe hyper-conditionné, pense qu’un peu de terreur devrait induire une plus grande docilité parmi ses subordonnés. On en vire un, et les autres se calment. Normalement.  

 

Erreur fatale ! Nous sommes le mardi 03 août, et en ce jour commence un mouvement de grève suivi par une dizaine de salariés, soit environ 50 % du site, en solidarité avec Rachid, et afin de contrecarrer la procédure patronale. Présents toute la journée devant l’entrée des entrepôts, les salariés en grève ont reçu l’aimable visite d’un représentant de la direction venu leur dire à quel point il partageait leur combat… Là, on rêve un peu. En réalité, au moins deux visites ont eu lieu. La première a été tendue, la seconde moins. A la stratégie de la tension, s’est substituée une tentative de dialogue et de conciliation. Peine perdue. Un huissier mandaté par la direction pour dresser un constat d’occupation illégale d’usine et la venue des RG n’y ont rien fait, et ce d’autant plus que le site n’était pas bloqué et que les camions pouvaient librement circuler. C’est l’activité qui étaient bloquée, et pas le site. Les salariés grévistes, en respectant les clous de la loi bourgeoise, arrivaient à gripper la machine capitaliste.

 

 

Le lendemain et le surlendemain, devinez quoi… Eh oui, les salariés remettent çà !

 

 

La solidarité envers Rachid, l’ordinaire arbitraire de la dégueulasserie patronale, et la volonté d’en découdre auprès d’une direction qui exploite sans vergogne ses salariés encouragent les partisans de la lutte à continuer la lutte. Deuxième jour de grève : une négociation est prévue au siège social de l’entreprise situé au Blanc-Mesnil. Deux membres de la direction reçoivent deux délégués syndicaux, le premier représentant la CGT, et l’autre la CFDT. L’union locale du Blanc-Mesnil, très active et présente dans le secteur, et à laquelle sont affiliées les syndiqués CGT de Lagny-le-Sec, mobilise ses ressources pour aider à remporter la victoire. La négociation pourtant échoue, malgré la faiblesse (et c’est un euphémisme) du dossier du licenciement de Rachid. Devant un conseil de Prud’hommes, l’accusation patronale s’effondre, mais il faudra attendre des mois, et cela coûte cher, et peut démobiliser. La conviction des salariés en lutte s’affermit alors en conséquence, ce qui vérifie une fois de plus ce que nous savons toutes et tous : la pratique de la lutte s’acquiert dans la lutte. La menace d’empêcher le mouvement des camions plane au-dessus de la tête de la direction, en même temps que ce durcissement risque d’entraîner en réponse un durcissement de la position patronale dont les représentants, contrairement aux salariés grévistes qui se posent souvent la question de finir dignement le mois, ont le temps avec eux et l’argent pour eux.

 

Le troisième jour de grève aura raison de la direction qui, cédant aux exigences des salariés, leur donnent du coup raison. Il fallait lutter, et la lutte – on répète à nouveau le refrain – paie. Après négociations, la "faute grave" s’est muée en "faute réelle et sérieuse". Quant au salarié visé par la direction et qui a souhaité malgré tout partir , il empoche de très correctes indemnités de licenciement (toujours çà que les patrons n’auront pas !). Surtout, sur un plan moins individuel que collectif, les trois jours de grève ne seront pas soustraits des fiches de paie. Forcer le patronat à payer les grèves qu’il mérite tant qu’il existera, et ainsi à reconnaître la force de la solidarité ouvrière ou de classe : la morale est plaisante. Elle serait d’autant plus renversante (révolutionnaire, quoi) à partir du moment où les exemples se multiplieront pour aboutir à un front social large dépassant les cas particuliers ou individuels pour poser les termes généraux de l’égalité et de la solidarité.

 

 

L’égalité et la solidarité à partir desquelles l’exploitation salariale et la discrimination syndicale des mouches à merde du capitalisme le cédera au miel (et non pas Miele !) accumulé par les abeilles du socialisme autogestionnaire et du communisme libertaire.

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