Communiqué de pressede la Ligue des droits de l'Homme - Fédération de Seine-Saint-Denis / 12 septembre 2013
Un été dramatique dans le 93 … pour les plus précaires !
Saint-Denis, Bagnolet, Aubervilliers, Clichy sous Bois, Stains, Rosny, Bobigny, etc, etc : la liste serait trop longue à énumérer des campements et bidonvilles détruits cet été en Seine-Saint-Denis, des centaines de familles expulsées, renvoyées sans autre solution que de rechercher un autre terrain vague, une autre friche, un autre squat.
Dans tous les cas, les personnes sont un peu plus précarisées, les familles sont un peu plus coupées du suivi médical et social, les enfants ont encore moins de possibilités d’être scolarisés et ceux qui avaient eu la chance d’intégrer l’école ou le collège se retrouvent coupés de leur lieu de scolarisation. C’est un terrible gâchis social et humain, accompli sans le moindre souci du respect des droits et … des engagements pris l’Etat lui-même.
Un Etat qui agit au mépris de sa propre loi !
De fait, dans aucune des expulsions de terrains menées cet été, la préfecture de Seine-Saint-Denis n’a véritablement mis en oeuvre la circulaire interministérielle du 26 août 2012 qui prévoit un diagnostic social individualisé préalable dans le but de proposer « des solutions d’accompagnements dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes : scolarisation, santé, emploi, logement ».
En effet le diagnostic social mené à grand frais par certains organismes s’est limité à une visite sur le terrain, un recensement approximatif des occupants et, dans le meilleur des cas, au repérage de quelques familles particulièrement fragiles.
Comble du cynisme, la police vient plusieurs fois avant l’expulsion pour faire peur et inciter les gens à partir (Saint-Denis, Stains, Rosny…). Sur le terrain vide, les policiers font ensuite le constat qu’il n’y a personne pour réclamer une prise en charge (Rosny) ! Mais quand certaines familles sont encore là, même le préfet s’avère incapable d’obtenir du 115 des possibilités d’hébergement, ne serait-ce que temporaires (Bobigny)…
Une logique contre-productive sur le plan social et politique !
Cette logique politique frappe les Roms roumains et bulgares, mais aussi nombre de familles étrangères qui n’ont que le tort d’être pauvres, avec ou sans papiers, et qui ne sont pas logées ou hébergées comme elles le devraient, notamment toux ceux que les pouvoirs publics devraient protéger, au titre de l’asile ou de la protection de l’enfance.
- Elle est injuste : on prive certaines familles des moyens de vivre correctement (pas d’eau potable, de sanitaires et d’évacuation des déchets sur les terrains pour les Roms). On oblige les autres à s’entasser dans des immeubles ou lieux insalubres. Pour mieux reprocher ensuite aux uns comme aux autres cet état de fait dont ils ne demandent qu’à sortir. Après l’expulsion, rien n’est prévu pour les victimes, comme le montre la situation des célibataires expulsés de la rue Gabriel Péri à Saint-Denis.
- Elle est discriminatoire et inefficace : elle ajoute de la misère à la misère, aggrave la situation sociale et sanitaire des personnes, et par contrecoup de l’ensemble de la population, s’accommode d’enfants condamnés à l’analphabétisme.
- Mais elle est aussi dangereuse et irresponsable : elle habitue les citoyens au fait qu’on puisse traiter des populations entières sans respect des droits de la personne et de la dignité humaine, elle peut contribuer à rendre le racisme et la violence institutionnelle chaque jour plus supportables pour ceux qui les constatent jour après jour.
Et pourtant des solutions sont possibles !
La Fédération de Seine-Saint-Denis de la Ligue des Droits de l’Homme condamne avec fermeté cette situation, d’autant plus inadmissible dans un pays qui se veut la patrie des droits de l’Homme et se revendique comme une puissance mondiale et de la part d’un gouvernement qui se réclame des valeurs de solidarité et de progrès social de la gauche.
On est en droit d’attendre, non des solutions miracles, mais la volonté politique d’avancer :
- L’Etat doit respecter sa propre législation, mettre en oeuvre avec la collaboration des collectivités territoriales une politique de construction de logements sociaux et en attendant, réaliser la réquisition des bâtiments vides pour accueillir de façon provisoire les mal logés. L’automne et l’hiver arrivent, la mise à l’abri de tous ces précaires est urgente !
- En ce qui concerne les Roms et les Bulgares, l’argent dépensé pour des diagnostics bidons et des expulsions à répétition pourrait servir à dégager et à viabiliser des terrains. Toutes les mairies devraient inscrire les enfants à l’école ; si toutes les communes d’Ile-de-France accomplissaient l’effort réalisé par quelques unes, la question ne se poserait plus…
- La volonté du Ministre de l’Education nationale (« Il faut que tous les enfants soient accueillis scolairement et il ne doit pas y avoir de rupture scolaire »), exprimée lors de l’expulsion de Bobigny ne doit rester lettre morte pour aucun enfant, quels que soient son parcours, son origine et les moyens de sa famille.
L’action des familles elles-mêmes, comme ce fut le cas à Bobigny, la solidarité de nombre de citoyens, comme à Saint-Denis et ailleurs, montrent la voie des nécessaires mobilisations.
Il est urgent de faire cesser le racisme et les discriminations, de promouvoir des solutions fondées sur le respect des droits et de la dignité de chacun.
C’est notre avenir commun qui en dépend.