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  • : Communistes libertaires de Seine-Saint-Denis
  • : Nous sommes des militant-e-s d'Alternative libertaire habitant ou travaillant en Seine-Saint-Denis (Bagnolet, Blanc-Mesnil, Bobigny, Bondy, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Rosny-sous-Bois, Saint-Denis). Ce blog est notre expression sur ce que nous vivons au quotidien, dans nos quartiers et notre vie professionnelle.
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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 16:45

Cinq idées fausses sur l’immigration

 

1/ « L’immigration concerne uniquement les pays développés » est la première idée fausse.

 

Selon les Nations Unies, 175 millions de personnes résident officiellement dans un pays qui n’est pas celui de leur résidence, soit 3 % seulement de la population mondiale. Si le nombre de migrants a plus que doublé depuis 1975, 60 % d’entre eux habitent dans les pays riches et 40 % dans les régions pauvres du globe. Pour ce qui concerne la proportion d’immigrés sur la population totale, la France avec ses 6,2 millions d’immigrés (soit un dixième de la population) occupe, après les Etats-Unis, la Russie, l’Allemagne et l’Ukraine, la cinquième position ex aequo avec l’Inde. S’agissant de proportion de migrants dans la population active, aucun des grands pays industriels ne figure parmi les vingt premiers.

 

2/ « Les immigrés sont les pauvres des pays pauvres » est la deuxième idée fausse.

 

En effet, les immigrés ne quittent pas leur pays d’origine pour aller directement s’installer dans les pays riches. L’immigration est un processus qui s’effectue par étapes, de régions voisines en régions voisines. Les mouvements migratoires sont la plupart du temps frontaliers : ainsi en Afrique, les mouvements se font entre pays ou régions frontalières pour la plupart du temps avant que l’Europe n’apparaisse comme une destination viable. Plus généralement, les migrants représentent, par rapport aux non-migrants du pays d’origine, une population plus instruite et dotée des ressources nécessaires au financement des frais élevés relatifs au voyage et à l’installation.

 

3/ « Les immigrés sont responsables du chômage dans les pays d’accueil » est la troisième idée fausse.

 

Si l’on classe les pays européens en fonction du taux de chômage et de la proportion des étrangers dans la population totale, on constate que, en Finlande, en Espagne et en Italie par exemple, dans lesquels le taux de chômage est relativement élevé, la part des étrangers dans la population totale est très faible. Si, à l’inverse, des pays tels la Suisse, le Luxembourg et les Etats-Unis enregistrent un pourcentage relativement élevé de la population étrangère totale, ils connaissent un taux de chômage relativement plus faible. Si l’on prend le solde migratoire français (65.000 personnes par an), on constate que le nombre de licenciements y est quatre fois élevé que pour l’ensemble des nationaux. C’est dire que l’évolution du chômage dépend principalement du comportement des entreprises induisant plus de vulnérabilité chez les immigrés. Surtout, les immigrés occupent les postes peu qualifiés et rémunérés (BTP, restauration, tourisme saisonnier, commerce de détail, entretien, services à la personne : de véritables zones où se niche le travail clandestin et invisible) qui sont massivement refusés par les nationaux. Significatif aussi est le pourcentage du taux d’activité : en France, 76,4 % des immigrés masculins travaillent contre 75,6 % des actifs nationaux. Le sociologue Abdelmalek Sayad a rappelé qu’un immigré est d’abord et avant tout défini comme pure force de travail avant d’être considéré comme une personne détentrice de droits. Evidemment, et à l’inverse, les immigrés sont plus souvent au chômage (19,7 % des actifs immigrés masculins contre 8,7 % de nationaux), ce qui est très difficile à vivre pour un individu dont la présence dans un pays étranger au sien est principalement déterminée par la question du travail. On voit également de quelle manière les immigrés peuvent servir de cordon protecteur contre le chômage profitant aux nationaux, les premiers étant davantage touchés que les seconds (qui sont du coup plus épargnés par les effets de la crise économique comme on s’en est aperçu à la fin des années 1970).

 

4/ « Les immigrés coûtent plus aux pays d’accueil qu’ils ne rapportent » est la quatrième idée fausse.

 

D’abord le registre comptable sous lequel on envisage la question migratoire dénote d’une sordide vision utilitariste indexant les personnes sur le calcul des coûts et bénéfices qu’ils sont censés valoir en termes de stricte force de travail. Il n’existe d’ailleurs à ce jour aucune étude quantitative sérieuse qui démontrerait cette idée de l’insupportable coût de l’immigration. Ensuite, les nouveaux migrants sont d’abord et avant tout des travailleurs qui produisent des richesses, et des consommateurs dont les besoins, pour être satisfaits, appellent au développement de l’emploi. Ils participent ainsi à l’accroissement de la demande de biens de consommation et de logements. Ils paient des impôts et des cotisations sociales : ils participent donc à la richesse du pays d’accueil. Et souvent cette richesse est perdue pour la collectivité lorsque les entreprises ne déclarent pas leurs salariés sans papier (qui, de plus, souffrent, de par l’illégalité de leur situation, de ne pas pouvoir bénéficier de la moindre protection sociale, mise à part la Couverture Médicale Universelle instituée en 2000).

 

5/ « La France est envahie par les immigrés » est la cinquième idée fausse.

 

Et elle est la plus connue, tant le Front National l’aura relayée dans les années 1980 avec la complicité active et passive des autres forces politiques et des médias. Ce stéréotype repose sur la confusion de trois termes distincts : Français, étrangers, immigrés. On rappelle que, selon l’INSEE, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et qui a pu devenir française, alors qu’un étranger est une personne qui n’a pas la nationalité française même si elle peut être née en France. En France, en 2000, vivent un peu plus de 2 millions d’immigrés non-communautaires (extra-européens), et un peu plus de 1 million d’immigrés communautaires. Pour une population totale de 3.263.000 d’immigrés, rapportées à un total qui, à l’époque, s’élevait à 58.973.000 de personnes, cela fait 5,5 %. C’est peu. Si on ajoute à ce chiffre la population des étrangers, on obtient l’équivalent de 10 % de la population totale. Et dans ces 10 %, beaucoup sont Français ou sont nés en France. Il serait donc irrationnel de considérer que la crise économique reposerait uniquement sur une population qui, parce qu’elle a migré, est massivement laborieuse.

 

L'une des plus grandes erreurs, peut-être, consiste à n'envisager les migrants que comme des immigrés seulement, et jamais des émigrés qu'ils sont aussi dans le même mouvement bidimensionnel, parce que ces individus n'intéressent la société qui les "choisit" que pour autant que leur force de travail est considérée dans une stricte logique abstraite et utilitariste, coupée du pays d'origine dont elle provient in fine. Le travail sociologique d'Abdelmalek Sayad qui sera abordé dans la troisième partie de notre argumentaire (ici) permet de mettre à nu le clivage fétichiste propre à une société capitaliste comme la France selon lequel les immigrés ne sont jamais perçus comme des émigrés, désaveu qui précisément s'enracine dans le déni idéologique de l'histoire coloniale et impériale propre à la vieille république française.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 15:18

http://myboox.f6m.fr/images/livres/reference/0016/43/on-bosse-ici-on-reste-ici-la-greve-des-sans-papiers-une-aventure-inedite-collectif-nicolas-jounin-lucie-tourette-pierre-barron-anne-bory-sebastien-chauvin-9782707167873.gif« Si la chasse aux étrangers en situation irrégulière est une constante des politiques publiques depuis le début des années 1970, les années 2000 ont vu s'accélérer sa rationalisation administrative et réglementaire : elle s'intensifie et prend une dimension transversale, étendant l'impératif de la traque au-delà des services traditionnellement chargés du gouvernement des étrangers » écrivent les auteurs de On bosse ici, on reste ici ! La grève des sans-papiers : une aventure inédite (éd. La découverte, coll. « Cahiers libres », 2011, p. 10-11). Les sociologues Pierre Barron, Anne Bory, Sébastien Chauvin, Nicolas Jounin et la journaliste Lucie Tourette qui ont écrit cet ouvrage ont produit l'enquête collective la plus passionnante à ce jour consacrée à la grève des travailleurs sans papiers initiée le 15 avril 2008. Combinant observations directes (sur des piquets de grève et des assemblées générales de grévistes par exemple), collecte d'archives (entre autres tracts syndicaux et circulaires ministérielles) et une bonne centaine d'entretiens avec les divers acteurs de ce mouvement social (des travailleurs en grève et des syndicalistes, aux employeurs et représentants de l'État en passant par les associatifs soutenant le mouvement), On bosse ici, on reste ici ! rend manifeste l'étrange situation faite, particulièrement en France, aux travailleurs migrants brutalement soumis à un régime contradictoire fait tout à la fois d'invisibilité oppressive et de visibilité transgressive : « On dit souvent que les sans-papiers sont "invisibles". En réalité, ils ne sont pas tant invisibles que camouflés, habitant, circulant et travaillant parmi les autres habitants du pays grâce à une identité d'emprunt ou de faux papiers. Le resserrement de l'étau administratif et la rationalisation du régime de citoyenneté réduisent aujourd'hui les possibilités de camouflage. Ils forcent les personnes à choisir entre une invisibilité marginalisante (en se cachant sous une fausse identité ou dans le travail au noir, par exemple) et deux types de visibilité : soit on devient visible contre son gré à travers les interpellations, rétentions et expulsions ; soit on le devient volontairement à travers la lutte » (opus cité, p. 15). Un film parmi d'autres, Moonlighting (Travail au noir en français) tourné en quatrième vitesse par Jerzy Skolimowski lors de l'hiver 1981-1982, avait bien su montrer cette « invisibilité marginalisante » vouant des ouvriers polonais à raser les murs de la rue abritant la maison qu'ils retapaient dans la banlieue londonienne au début des années 1980, au moment même où là-bas, au pays, le syndicat Solidarnosc faisait trembler le vieux pouvoir bureaucratique et militaire en ouvrant grand un espace de visibilité et d'audibilité dédié à l'utopie d'un socialisme non plus autoritaire mais autogestionnaire (cf. Des nouvelles du front cinématographique (54) : Jerzy Skolimowski, cinéaste réfractaire). Ce film pourrait rétrospectivement apparaître comme un signe avant-coureur des changements idéologiques qui allaient affecter en Europe la figure du travailleur migrant : « Dans les années 1980, le discours peu à peu dominant a accrédité l'idée que l'immigration serait surtout un "problème". Curieusement, l'immigration n'en posait aucun quand, jusqu'à la fin des années 1960, le patronat faisait entrer et s'installer plus de 300.000 étrangers par an. Cette évolution des croyances collectives est en elle-même la preuve que l'étranger est le plus souvent perçu comme un instrument de travail et que sa légitimité tient à son utilité pour la machine économique. Il n'a ainsi guère de valeur en soi » (Égalité sans frontière. Les immigrés ne sont pas une marchandise, éd. Syllepse et Fondation Copernic, 2001, p. 9). A ceci près, pour ce qui nous intéresse ici, que concernant la France, et en regard de l'histoire coloniale qui a été la sienne, les politiques migratoires allaient être indexées sur la mobilisation utilitaire de « ressources humaines » disponibles et issues des anciennes colonies. Il suffit seulement de retenir les propos tenus publiquement par l'un des représentants du pouvoir politique, par exemple Roselyne Bachelot qui était alors députée RPR en 1999, pour se convaincre du cynisme utilitariste régissant la question des politiques migratoires : « Il faut avoir le courage ou le cynisme de dire que nous allons nous livrer à une démarche néocolonialiste de grande envergure pour assurer la survie de nos sociétés postindustrielles vieillissantes. Après avoir pillé le tiers-monde de ses matières premières, nous nous apprêtons à le piller de ce qui sera la grande source de richesse du troisième millénaire : l'intelligence » (cf. « Alain Juppé a raison » in Le Monde, 22 décembre 1999 cité par Égalité sans frontière. Les immigrés ne sont pas une marchandise, op. cit., p. 44). Si le travailleur migrant figure à son corps défendantl'un des enjeux déterminant le débat politique depuis maintenant trente ans, avec une gauche institutionnelle affichant toujours plus d'autoritarisme afin d'éviter la rituelle critique du laxisme adressée par ses adversaires de droite, et avec une droite qui n'a pas cessé d'« extrême-droitiser » son discours et d'accentuer le tour répressif de son arsenal législatif depuis dix ans, c'est qu'il incarne exemplairement lacontradiction éprouvée par les États-nations contemporains ébranlés par la mondialisation du capitalisme : alors que la société capitaliste française exige une main-d'œuvre bon marché, exploitable et corvéable à merci pour tout un segment du travail (bâtiment, restauration, nettoyage) le plus dévalorisé du point de vue du salariat national, le nationalisme propre à l'idéologie républicaine valorise les nationaux au détriment des étrangers stigmatisés afin de leur apporter une protection autant sociale que symbolique par rapport aux ravages de la mobilité transnationale du capital. La quadruple leçon de la grève des travailleurs sans-papiers de 2008 aura donc consisté en premier lieu à affirmer que les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, qui participe à la production des richesses nationales, ont droit à l'ensemble de leurs droits sans exclusive, en deuxième lieu à donner l'exemple aux autres salariés nationaux de la nécessité d'un combat commun pour arracher une avancée des droits bénéfique à l'ensemble du monde du travail, en troisième lieu à montrer que les délinquants transgressant la loi ne sont pas les travailleurs sans-papiers mais les patrons qui les exploitent en profitant d'une législation qui les fabrique en institutionnalisant la clandestinité, et en quatrième lieu à prouver l'hypocrisie des gouvernements de droite qui se sont succédés depuis dix ans en promouvant une « chasse aux sans-papiers » qui n'a pas d'autre fonction idéologique que, outre de terroriser les travailleurs migrants, satisfaire la frange la plus « extrême-droitière » de son électorat. Trois films montrés ces derniers mois et issus d'horizons cinématographiques divers, Qu'ils reposent en révolte (des figures de guerres) de Sylvain George, Le Havre d'Aki Kaurismäki et Low Life de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, se sont ainsi puissamment saisis de la figure du travailleur migrant confiné à la marginalité et la clandestinité, non pas pour la réifier dans la posture misérabiliste de la victime privée de parole et seulement susceptible de charité, mais pour en exprimer le potentiel de dignité et de combativité. Parce que ce travailleur, si loin que soit son pays d'origine, et si proche que soient les lieux de son existence dominée, n'est l'autre que pour autant que nous sommes son autre. Et, étant l'autre de cet autre, nous reconnaissons en lui le double tort que nous subissons, à la seule différence que nous le subissons seulement moins fort : la subordination capitaliste et l'assujettissement au national-étatisme.

 

 

1/ Qu’ils reposent en révolte (des figures de guerres)

de Sylvain George (2010)

 

Cosmopolites de tous les pays, encore un effort !


 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQx-PBbRZsjRd1V_QKaK56mKCCBC8OAMBtTu3-AVpkIS1ShMWVJPA« Le terme de ‘‘frontière’’ est extrêmement polysémique. Ce sera l’une de mes hypothèses qu’il est en train de changer profondément de sens. Les frontières des nouvelles entités politico-économiques, dans lesquelles on tente de préserver les fonctions de souveraineté de l’Etat, ne sont plus du tout situées sur le bord des territoires : elles sont dispersées un peu partout, là où s’effectue, où se contrôle, le mouvement des informations, des personnes et des choses, par exemple dans les villes cosmopolites. Mais c’est aussi l’une de mes thèses que les zones dites périphériques où s’affrontent les cultures laïques et religieuses, où se creusent et se tendent les différences de prospérité économique, constituent le creuset de la formation du peuple (dèmos), sans lequel il n’y a pas de citoyenneté (politeia) au sens que ce terme a acquis depuis l’Antiquité dans la tradition démocratique » (Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple, éd. La Découverte & Syros, 2001, p. 15-16).

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSrOtaExqfpU1b8hr4M5tze5QZH-7dPRKOgqIEZ6TcIjL_uW2SkSangatte est l’un des noms qui désignent dans la France contemporaine la frontière en tant qu’elle sert à la fois à marquer la souveraineté territoriale d’un Etat dépositaire du monopole de la violence légitime, comme à circonscrire « le creuset de la formation du peuple, sans lequel il n’y a pas de citoyenneté » (Etienne Balibar). La question politique posée par toutes les personnes administrativement dénommées « étrangers irréguliers » ou « migrants illégaux » consiste précisément à repenser à nouveaux frais le double motif d’un peuple émancipé de toute inclusion nationale et d’une règle juridique sauve de tout assujettissement étatique. Exclure la multitude des étrangers, autrement dit l’inclure dans les dispositifs les plus brutaux et dégradants, c’est corrélativement affaiblir le peuple des inclus de la communauté nationale dont la qualité juridique ne vaudrait alors que négativement, contre les autres qui en menaceraient l’intégrité, l’homogénéité et l’unité. « Mais lorsque, par une nécessité structurelle, les critères de distinction et de tri deviennent violemment discriminatoires, lorsque l’exclusion des ‘‘autres’’ n’est plus simplement le corrélat logique de l’inclusion des ‘‘uns’’, mais ce qui menace de la rendre impossible ou illusoire, et que l’identité politique ne peut se concevoir ou se réassurer qu’en se transformant en communautarisme national à l’exemple de ce qu’elle prétend combattre, c’est qu’il faut changer de méthode » (opus cité, p. 92). En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin institue avec l’autorité préfectorale et la Croix-Rouge un centre d’hébergement et d’accueil d’urgence humanitaire qui est installé dans une vieille usine ayant appartenu à Eurotunnel et qui peut accepter 200 migrants, pour la plupart originaires d’Afghanistan, du Pakistan, du Kurdistan, du Kosovo et d’Irak. En novembre 2002, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur sous la présidence de Jacques Chirac ordonne le démantèlement du centre. Les migrants disséminés tout le long du littoral, auxquels s’y ajoutent de nouveaux, fabriquent un camp de fortune, presque un village : c’est la « jungle de Sangatte » dans laquelle vivent dans des conditions extrêmement précaires environ 800 migrants déclarés illégaux, et qui sera détruite le 22 septembre 1999 par une vaste opération de police ayant entraîné l’interpellation de plus de 250 personnes (dont des militants des associations No Border et Salam). En dix ans, ce sont donc trois opérations de gestion indistinctement policière et communicationnelle qui, par-delà les clivages traditionnels entre la gauche et la droite, se sont effectués sur le dos des migrants afin d’exprimer dans le même mouvement idéologique l’irréductible et inassimilable altérité dont le peuple des autres serait l’incarnation et, partant, le renforcement identitaire du peuple des uns se fantasmant homogène et unifié. Ce glissement entre la contradiction principale (la lutte des classes désormais passée du niveau national au niveau international et qui aura également cette dernière décennie traversé la région par ailleurs ouvrière et sinistrée du Calaisis victime de la déstructuration de son tissu industriel) et une contradiction secondaire et idéologiquement fallacieuse (la lutte des nationaux inclus dans l’Etat contre les étrangers exclus par l’Etat) est ce contre quoi justement lutte avec une indéniable énergie militante Qu’ils reposent en révolte (des figures de guerres) de Sylvain George. Son documentaire, tourné entre 2007 et 2010 et multi-récompensé, vise alors autant à rendre sensible la puissance de résistance subjective et collective opposée par la multitude des migrants à la violence légale et illégitime des dispositifs étatiques, qu’à déconstruire les représentations dominantes reconduisant les clichés misérabilistes et xénophobes, voire racistes, relayés quotidiennement par la sphère médiatique et politicienne.

 

http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSzkkP-rqiuXeJAnt4mwuK-DIpiIKZh5-Qvt9VFmnuZ5Fcjwt-N« Cette vue est proche de ce que, plus récemment, Jacques Rancière a tenté de reformuler en expliquant que, depuis les origines mêmes de l’idée de démocratie, la mesure de l’égalité réelle pour tous dans l’espace politique est constituée par la reconnaissance de la ‘‘part des sans-parts’’, autrement dit la transformation active des processus d’exclusion – notamment celles des pauvres, mais aussi d’autres catégories discriminées – en processus d’inclusion dans la cité, qui révolutionne la politique » (op. cit., p. 186). Ce dont souffre l’étranger – et cette souffrance morale, mais parfois aussi physique, se trouve juridiquement légitimée – consisterait alors dans la confusion idéologique entre citoyenneté et communauté nationale. Et cette confusion volontaire, qui trahit le soubassement nationaliste de l’idéologie républicaine, détermine une entreprise littéralement incivile, autrement dit destructrice d’un espace politique commun. Ce sont les Etats et les super-Etats du genre de l’Union européenne qui font preuve d’incivilités (policières et judicaires, administratives) envers les étrangers dont la bataille collective pour sortir de l’enfer de l’irrégularité juridique (et donc de l’infériorité et de la minorisation sociales) permet dans le même mouvement le réajustement entre citoyenneté et civilité, et corrélativement le désajustement nécessaire entre citoyenneté et communauté dont l'identité est désirée par tous les nationalismes. Stigmates sur les corps et graffiti sur les murs, déchets attestant d’une présence encore brûlante de migrants récemment enfuis et vêtements accrochés à des fils de fer barbelés, paroles dites face caméra ou chantées, différence d’intensité entre les images (toutes) en noir et blanc et les enregistrements sonores : c’est toute une esthétique du faux-raccord et du choc des hétérogènes, mais surtout de la trace et de l’intervalle que met en œuvre le documentaire de Sylvain George afin d’instituer un système de signes qui exprimerait dès lors l’écriture en cours d’un texte encore aujourd’hui illisible pour la classe dominante. Ce texte est celui d’une nouvelle juridiction universelle, car séparée des logiques de subordination aux Etats-nations, une nouvelle table de la loi qui voudrait sauvegarder la question de la citoyenneté en la dés-identifiant de celle de la nationalité (cf. Des nouvelles du front cinématographique (67) : Les Chants de Mandrin), une nouvelle règle de droit égalitaire qui serait universellement inclusive et sans reste, et qui aurait la force de disloquer l’état d’exception institué pour tous, nationaux inclus et étrangers exclus, et par les Etat-nations (particulièrement du bloc occidental). « Dans le champ de tensions de notre culture agissent donc deux forces opposées : l’une qui institue et qui pose, l’autre qui désactive et dépose. L’état d’exception constitue le point de leur plus grande tension et, en même temps, ce qui, en coïncidant avec la règle, menace aujourd’hui de les rendre indiscernables. Vivre sous l’état d’exception signifie faire l’expérience de ces deux possibilités et, cependant, en séparant chaque fois les deux forces, tenter sans cesse d’interrompre le fonctionnement de la machine qui est en train de mener l’Occident à la guerre civile mondiale » (Giorgio Agamben, Etat d’exception. Homo sacer, II, 1, éd. Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2003, p. 146-147).

 

La multiplicité de contre-dispositifs mobilisés par le documentariste http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTD7HDl2dfl_Vvd0LTeYToToV4mVT_4pDIn1Ey81sDM0OSsMaEZdans son entreprise de contestation tout autant esthétique que politique témoigne d'une sincère générosité à l'adresse des sujets filmés. Titre inspiré par un poème d’Henri Michaux, citation de la Critique de la violence (1921) de Walter Benjamin, images en noir et blanc saturés ou passées en négatif, sautes sonores et visuelles continuelles, corps des migrants filmés comme des anges pasoliniens ou des dieux de la brousse rouchiens, contre-plongées pour magnifier leurs paroles, musique finale du musicien free jazz Archie Shepp reprenant un classique négrospiritual intitulé Motherless Chile, formules énigmatiques répétées de façon intervallaire par la voix blanche de Valérie Dréville : Sylvain George se lance donc dans la bataille du sensible relative à la justice des peuples hétérogène à la loi des Etats, en lançant dans la nuit policière des fusées nourries par le feu du meilleur cinéma poétique et militant du siècle passé. Comme s’il s’agissait de produire les contre-archives d’un présent divisé entre une actualité archaïque de l’Etat d’exception et l’inactualité utopique de la rédemption révolutionnaire. Comme s’il s’agissait de dresser, pendant les 150 minutes au long cours de son film, le poème épique et lyrique (on pense, notamment lors du démantèlement de la « jungle », à Kashima Paradise tourné au Japon en 1971 par Yann Le Masson et Bénie Deswarte) adressé au peuple cosmopolite de l’avenir. Certes, tout cet attirail référentiel et intellectuel risque souvent aussi d’écraser des figures dont le pragmatisme dans la survie peut se suffire largement à lui-même. Si le feu d’artifice formel et philosophique est un bon moyen pour arracher la multitude migrante des pièges misérabilistes de la représentation dominante, il peut également bénéficier davantage à son artificier en termes de légitimation d’une posture radicale et artiste qu’aux personnes réelles dont il veut éclairer la dureté du parcours. Entre le noir et le blanc, entre la justice et le droit, entre la règle et l’exception, entre la société et l’Etat, ce sont donc autant d’intervalles qui peuvent aussi se retraduire du point de vue de Sylvain George en hésitations dans l’équilibre forcément instable entre la subjectivité artiste et l’objectivité documentaire, entre l’expression poétique et la démonstration militante. Ce n’est qu’un début (d’autres films tournés pendant la réalisation de son premier opus magnum sont déjà prévus), qu’il continue le combat, ce combat qui est notre combat. 

 

 

2/ Le Havre (2011) d’Aki Kaurismäki

 

Le bleu du peuple


 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRpNqKmO7EdTCupzs_iFJ6lgic60a9UR9PGF7WM6X7Ygs0Dd8z_SwLe terme de populisme souffre d’une dépréciation idéologique accomplie par des intellectuels « antitotalitaires » comme Pierre-André Taguieff, à la fois persuadés que les extrêmes (gauche et droite) se touchent et se confondent, et que le peuple est censé désirer l’autoritarisme de l’un ou l’autre bord politique. Le discrédit jeté sur l’appel au peuple n’empêchera pourtant pas de rappeler que le populisme a historiquement désigné le courant artistique (particulièrement littéraire) puis politique qui, dans le courant du 19ème siècle, en Russie comme aux Etats-Unis, et avant l’imposition du discours marxiste au sein du mouvement ouvrier international, défendait la cause du peuple formé des travailleurs, paysans d'abord puis ouvriers, opprimés. Il aura fallu attendre le précieux travail d'éclairage de la politiste Annie Collovald (Le « Populisme du FN » : un dangereux contresens, éd. Croquant, 2004) pour arracher de la nécessaire critique du nationalisme raciste du Front National le terme de populisme afin de neutraliser le discours dominant de la politologie médiatique selon lequel les masses populaires seraient forcément autoritaires et dès lors censément désireuses de la solution politique la plus brutale. Il est certes évident que le terme de peuple est retors, bien plus ambivalent politiquement que le concept marxiste de classe. Son caractère amphibologique, comme l’a fait justement remarquer Giordio Agamben, induit « une oscillation dialectique entre deux pôles opposés : d'une part l'ensemble Peuple comme corps politique intégral, de l'autre le sous-ensemble peuple comme multiplicité fragmentaire de corps besogneux et exclus ; là une inclusion qui se prétend sans restes, ici une exclusion qui se sait sans espoir ; à un bout, l'état total des citoyens intégrés et souverains, à l'autre la réserve – cour des miracles ou camp – des misérables, des opprimés, des vaincus » (in Moyens sans fins : notes sur la politique éd. Payot & Rivages, 2002 [1995 pour la première édition]), p. 41 : cf. Des nouvelles du front cinématographique (64) : Metropolis de Fritz Lang (II)). A partir de cette fracture (« biopolitique » ajouterait Giorgio Agamben dans la continuité philosophique de Michel Foucault) entre ces deux acceptions antagoniques, et sur la base disjonctive de l’élection politique de la seconde acception contre la première (non pas le Peuple mais le peuple, autrement dit les classes populaires si l’on veut subsumer le populisme sous le communisme), nous n’hésitons pas à affirmer que les œuvres cinématographiques, entre autres de John Ford et Pier Paolo Pasolini hier, de Pedro Costa et d’Aki Kaurismäki aujourd’hui, sont puissamment populistes. Parce que leur vision respective du peuple distingue celui-ci de son appropriation et de son incorporation étatiques. Que l’on ne s’y trompe pas : le succès critique du nouveau long métrage du cinéaste finlandais présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes n’a pas empêché certaines piques de fuser afin de tenter de troubler le concert forcément toujours ambigu de l’éloge consensuel. Si ces piques ratent leur cible (on pense ici particulièrement à l’injuste dureté des critiques de Jean-Philippe Tessé répétées à plusieurs reprises dans les Cahiers du cinéma de décembre 2011, n° 613), c’est qu’elles confondent le consensus critique (souvent rare et toujours minoritaire) avec le consensus idéologique réellement existant (souvent impensé et toujours majoritaire). Deux rapprochements fallacieux avancés par Jean-Philippe Tessé afin de décrier la faiblesse de la réelle portée politique du film Le Havre seront aisément réfutables. La référence au film de Jean-Pierre Jeunet, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001), afin de discréditer le film d’Aki Kaurismäki sous prétexte qu’ils conteraient pareillement la fable gentillette d’un peuple irréel à l’humanisme pittoresque et vieillot, repose sur l’idée implicite que la ville du Havre aurait été formellement dégraissée de toute sa pâte documentaire, à l’instar du Montmartre numériquement nettoyé du film de Jean-Pierre Jeunet. Pourtant, l’esthétique privilégiée par l’auteur de Au loin s’en vont les nuages (1996) ne consiste pas à retrancher du réel filmé, à l’aide de la palette graphique et des effets spéciaux numériques, les signes impurs d’une altérité qui serait dérogatoire en regard de la fiction racontée. Au contraire, il s’agit ici d’ajouter à ce réel les touches colorées (par exemple des affiches du cirque Fratellini) et picturales (les nuances bleu-clair tant affectionnés par le cinéaste finlandais) qui poussent la réalité documentaire du lieu en direction de sa sublimation fictionnelle. La fiction ne consiste donc pas ici à effacer l’impureté ontologique de la réalité comme l’aurait dit André Bazin, mais bien à en radicaliser l’existence pour y planter la possibilité fictionnelle d’autres possibilités existentielles, individuelles et collectives. De la même façon, affirmer l’égalité formelle entre le traitement représentatif des enfants Rom de Polisse (2011) de Maïwenn Le Besco et le jeune migrant originaire du Gabon du film Le Havre est tout simplement faux. Quels rapports, sinon d’exclusion réciproque, existe-t-il entre la séquence des enfants tirés d’une réalité documentaire marquée par l'oppression afin d’effectuer une danse compensatrice servant à émouvoir les acteurs professionnels du film de Maïwenn Le Besco, et celles montrant un enfant dont la seule aspiration pour la réussite de son projet migratoire à destination de Londres ne nécessite absolument aucune explicitation ou émotion actorale pour s’accomplir ? Blondin Miguel interprétant Idrissa ne propose pas aux acteurs professionnels (André Wilms, Evelyne Didi, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin, Jean-Pierre Léaud – et aussi Pierre Etaix : cf. Des nouvelles du front cinématographique (30) : Tout l'été avec Etaix !) d’entrer dans la danse mimée de la gaieté consensuelle afin de refouler hors-champ la violence sociale du dehors documentaire. Au contraire, acteur égal aux autres acteurs, il incarne l’un des termes forts d’une collectivité populaire et fragmentaire. Une « communauté désœuvrée » dirait Jean-Luc Nancy, ouverte sur son impérieuse capacité à une indiscutable solidarité, dès lors préservée de toute passion ou pression identitaire (cf. Des nouvelles du front cinématographique (67) : Les Chants de Mandrin).

 

http://t1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSKQBmgLtJws91yRA8m1GsscA-GcY1BgtJM25Lb3vyK25BLbcfbOn va mieux s’en apercevoir, Le Havre ne propose pas une fiction consensuelle qui serait nostalgique (ou compensatoire comme c’est encore le cas avec le film-symptôme Intouchables, fable de l’ascension sociale qui substitue à la transformation de la structure d’ensemble de la domination l’élection individualiste par l'amitié friquée). Le film offre au contraire à notre regard le contrechamp politiquement salvateur aux représentations médiatiques et policières dominantes selon lesquelles les migrants seraient identifiés à l’indignité d’une vie dégradée provoquant tantôt la crainte xénophobe, tantôt l’apitoiement humaniste, tantôt encore la charité (post)chrétienne. C’est la dernière pique, redondante car adressée à deux reprises dans les Cahiers du cinéma, et elle ne traduit que l’incompétence, sinon la bêtise crasse de son auteur. La séquence de l’ouverture du conteneur dans lequel se cachent depuis trois semaines des migrants illégaux serait-elle à ce point « immonde » ou « ignoble » parce qu’elle exposerait les corps propres, bien habillés ou colorés, d’une indignité dès lors formellement inconsistante ? D’une part, les reflets jaunâtres-brunâtres aux pieds des migrants manifestent la réalité d’incompressibles pressions physiologiques, en même temps que leur caractère discrètement pictural en neutralise aussi la naturalité obscène. La fiction n’est pas ici un substitut compensatoire, mais bien l’instrument dialectique d’une sublimation comme on l’a déjà dit. D’autre part, et corrélativement, la puissance affirmative des visages des migrants, fermes, durs et volontaires expose le vêtement symbolique d’une dignité éthique qui disparaît continuellement dans les représentations policières et médiatiques dominantes promouvant l’exhibition obscène d’une humanité déchue dans une souffrance abêtissante. Le plan montrant la photographie affichée dans le journal du coin exhibe à la fois l'évacuation hors-champ des taches manifestant l'indignité subie, et le privilège iconographique accordée aux têtes baissées et aux yeux fermés de migrants dès lors séparés de la dignité dont ils sont capables, y compris dans l'immonde les frappant. Les migrants frappés par l’état d’exception les cantonnant dans l’invisibilité que sanctionne l’illégalité administrative de leur situation déchoient de trois façons dans cette « vie nue » dont a si bien parlé Giorgio Agamben : à la suite de la précarité de leurs conditions matérielles d’existence, de la violence policière administrée par l’Etat, et enfin de l’enregistrement médiatique de leur avilissement dès lors qu‘il est soustrait de l’analyse de ses raisons objectives. Il n’y a donc aucune nécessité pour un cinéaste d’ajouter une quatrième couche dans la monstration d’une indignité qui ne saurait pour autant faire oublier l’immense dignité dont les migrants font preuve, y compris dans l’épreuve, et qui n’est quant à elle quasiment jamais montrée ailleurs. La fiction, avec ses personnages improbables et ses couleurs pastel, sa temporalité indécise et son ancrage ouvert aux quatre vents des origines nationales ou géographiques, sa dramatisation aplatie et son humour à froid, est le voile permettant de voir ce qui, sinon, brûlerait les yeux à force d’intolérable obscénité. Comme le bouclier d’Athéna qui permet, comme l’avait noté Siegfried Kracauer dans sa Théorie du film. La Rédemption matérielle de la réalité (éd. Flammarion, 2010), de voir et combattre l'horrible Gorgone Méduse sans être hypnotisé et statufié par son regard mortel. La fiction est bien cet alètheia (ce « dé-voilement » pour user ici d’un terme heideggerien) qui permet de vêtir une nudité insupportable pour ceux qui la vivent comme pour ceux qui en sont les spectateurs, tout en rendant manifeste le voile oublié de pudeur et de dignité offert par le visage des migrants à ceux qui les offensent, représentants de la police comme leurs chiens de garde médiatiques. C’était déjà le regard informé par la peinture hollandaise de Pedro Costa filmant la tenue du peuple pourtant abîmé de Fontainhas dans En avant, jeunesse ! (2006). C'étaient aussi les effets de montage ainsi que le noir et blanc contrasté du documentaire épique Qu’ils reposent en révolte (des figures de guerres I) de Sylvain George tourné dans la « jungle » de Calais (dont il est d’ailleurs question dans le film d’Aki Kaurismäki). Et c’est désormais le bleu ciel du film Le Havre.

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTsPHOBy34x3KV35Y2K5U5Its1DBMUtWJvXWO6rITq_9RayftwIjwEntre la touche picturale de jaune-brun et les regards fixes et fiers de la séquence du conteneur dans Le Havre, il y a donc un écart esthétique par rapport au vil naturalisme de la réalité policière ou médiatique. Et cet écart, qui n’est pas synonyme d’effacement hygiénique ou de déni compensatoire, propose la relève dialectique d’une réalité reconnue mais inconnue, une réalité oubliée et ici dévoilée (« alètheia », c’est aussi le « a » privatif et l’oubli de « lèthè ») par une fiction qui en révèle les sublimes idéalités. D’une part, au cœur de l’avilissement des conditions matérielles du peuple des migrants, c’est la dignité déniée des sujets qui en sont les victimes mais qui ne se satisfont pas de la posture victimaire. D’autre part, dans la relative précarité des conditions d’existence du peuple des sédentaires, c’est aussi la dignité des sujets qui reconnaissent dans l’urgence de la situation connue la nécessité éthique de cette inconnue ou cette oubliée des idéologues de tous bords : la solidarité. En ce sens, Le Havre est le parfait contrepoint au nouveau film de Robert Guédiguian sorti presque en même temps, Les Neiges du Kilimandjaro (2011) inspiré par le poème de Victor Hugo, Les Pauvres gens (et Jean-Pierre Darroussin fait évidemment le raccord entre les deux films). Sauf que la fable mi-pagnolesque mi-brechtienne plantée dans le décor connu du quartier marseillais de l’Estaque proposée par Robert Guédiguian insiste sur la contradiction au sein des classes populaires salariées entre les stables qui ont pu accéder à la propriété et les instables qui en sont exclus, aussi sur les effets idéologiques en termes de division déterminés par cette contradiction, et enfin sur l’autre contradiction qui pèse structurellement sur celle-là : la lutte des classes en régime capitaliste. C’est seulement cette insistance didactique sur une contradiction comme production secondaire de la lutte des classes (le peuple divisé des travailleurs) qui autorisait au bout du compte le geste de solidarité si bouleversant avec lequel se concluait Les Neiges du Kilimandjaro. Le film d’Aki Kaurismäki expose pour sa part un peuple sans contradiction, au-delà de toute division, pour lequel la solidarité est une action qui, allant de soi, ne mérite donc pas que l'on en tire quelque profit. Même le flic (Jean-Pierre Darroussin) s’inscrit in fine dans l’entreprise de solidarité initiée par Marcel Marx (André Wilms), revenant de La Vie de bohème (1992), l'autre film du cinéaste finlandais tourné en France. Ou alors, c’est le zélé dénonciateur, mais il a la trogne grotesque et grimaçante de Jean-Pierre Léaud, et n’apparaît du coup pas crédible. L’utopie kaurismäkienne véhiculerait-elle alors la vision fantasmatique d’un peuple introuvable car inexistant, ce qui expliquerait les attaques brutales relayées dans les pages des Cahiers du cinéma ? Mais ce serait ne rien comprendre au geste cinématographique d’un cinéaste pour qui, comme pour Gilles Deleuze, « le peuple manque ». Le peuple est effectivement ce qui fait défaut, au sens où manquent aujourd’hui les appareils politiques capables d’en intensifier la subjectivité au point critique de la séparation avec l’identification nationale et étatique. Règnent, du coup et pêle-mêle, publics, usagers, clients, auditoires, ménages, groupes d'intérêts, personnes : soit toutes les formes de l’absence d’un peuple comme d’une entité sociale doublement désireuse de la fin de la division sociale en classes antagonistes et de l’émancipation en regard de la tutelle étatique. Ou bien alors, si le peuple est inexistant, il l’est au sens d’Alain Badiou dans Le Réveil de l’histoire (Circonstances 6, éd. Lignes, 2011, par exemple p. 87) : le peuple, classes ouvrières nationales ou migrants internationaux, est ce qui aujourd’hui compte pour presque rien. Et ce peu d’existence appelle dialectiquement un relèvement qui peut, pour le philosophe, prendre la forme du soulèvement, de l’émeute immédiate de la jeunesse ouvrière des pays occidentaux à l’émeute historique du printemps arabe. Si le peuple manque ou existe peu dans la réalité policière et médiatique de la France contemporaine, il existera de manière intense dans Le Havre comme cet horizon en regard duquel, idéalement, notre réalité devrait tendre. Comme cette idéalité (ou cette « sublimité » dirait Bernard Stiegler) dont l’expression phénoménale n’est possible que pour autant qu’elle est soutenue par quelques idées fondamentales et indiscutables. Comme l’égalité dans la solidarité.

 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSFgKXA7Vze2v5j9X_mxqJI1-8da6F2lpIdEv7m1bdJY67R1I6gPAL’appropriation partielle d’éléments appartenant à l’esthétique bressonienne, comme la raideur des corps et le statisme des postures, l’anti-psychologie du jeu et la litote dans la fragmentation des plans, ne vise pas à reconduire les signes d’un fétichisme cinéphilique, mais à promouvoir formellement l’accord de fond entre le représenté et la représentation. Ainsi, la droiture de personnages dont la pauvreté matérielle n’empêche pas l’élévation au rang d’inusables archétypes peut s’articuler avec une mise en scène dans le même mouvement économique et idéogrammatique. Le filmage stoïque en à-plats frontaux et découpes incisives n’indique alors pas autre chose que la volonté esthétique d’une égalité des personnages et des situations, ainsi que d'une mise à plat tant éthique (l’affirmation d’une subjectivité qui est le contraire d’un assujettissement) que politique (la rupture avec l’ordre existant). Rien d’autre à voir que ce qui s’expose, de manière frontale autant que stylisée, et en dehors de toute opposition entre surface et profondeur : soit l’humble dignité des dominés telle qu’elle en vêt et neutralise l’humiliante nudité. De la même façon, l’utilisation picturale des trois couleurs primaires (avec la domination de bleus dont Aki Kaurismäki ne cesse de décliner la palette à chaque film) ne cherche pas seulement à indexer l’évocation de la grande peinture (ici Claude Monet – c’est d'ailleurs le nom du flic – dont la fameuse toile peinte en 1872 au Havre, Impression soleil levant, représente l’acte fondateur de l’école impressionniste) sur les processus de légitimation de l’art cinématographique. Le caractère défraîchi des couleurs primaires, loin des dissonances pop des films des années 1960 de Jean-Luc Godard par exemple, manifeste là encore un effort de stylisation qui vaut comme écart et relèvement, distanciation et sublimation : les couleurs ne symbolisent ici rien, sinon qu’elles sont l’expression esthétique de la persistance de quelques idées pouvant ré-enchanter la réalité. L’accord des couleurs (primaires) indiquerait (primordialement) une égalité dans la solidarité qui, malgré leur teinte défraîchie, affirmerait ainsi sa persistance idéelle. Dire du film qu’il est désuet ou vieillot n’informerait du coup que du désir apolitique de parachever la désuétude d’idées, actuellement ternies mais aussi éternellement intempestives, que le film soutient frontalement en les inscrivant, sous la forme stylisée de quelques façades repeintes, dans la réalité documentaire du Havre. C’est d’ailleurs la conjonction de l’actualité (documentaire : du tournage au Havre à la question du sort et du tort politique des migrants illégaux) et de l’inactualité (fictionnelle : la fable à la Vittorio de Sica de la solidarité populaire par-delà toute séparation nationale) du film d’Aki Kaursmäki qui assure qu’il est notre contemporain, puisque le contemporain désigne justement, selon Giorgio Agamben (in Qu’est-ce que le contemporain ?, éd. Payot & Rivages, 2008), la césure structurale permettant la ré-articulation entre l’actuel et l’inactuel ou entre le présent et le passé. On se souvient d’ailleurs que L’Homme sans passé, grand succès cannois de l’année 2002, racontait déjà l’histoire d’un personnage qui perdait la mémoire à la suite d’une agression : qui littéralement perdait son passé. Mais c’était pour mieux conquérir un nouveau présent lui ouvrant un avenir insoupçonné : non plus celui de la répétition de la crise conjugale dont il était issu, mais l’avenir politique d’une communauté bricolée au-delà de tout repli individualiste dans la sphère privée. Après la fable ambiguë de L'Homme sans passé (le héros pouvait fabuler cette histoire à partir de son lit de comateux) et le pessimisme un peu trop prononcé de l'avant-dernier film d'Aki Kaurismaki, Les Lumières du faubourg (2006), voici venu le temps de la frontalité et de la netteté de l'utopie égalitaire et solidaire.

 

http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTpgPnVUwQpoDwNjD_3mF5qfjRgBUolKT2esyS8yXy3coYRe-ZMCgEntre les types de voiture ou de téléphone datant des années 1950 ou des années 1970 et les références au cinéma de Marcel Carné et Jacques Prévert (la conjointe de Marcel Marx s’appelle Arletty et le docteur interprété par Pierre Etaix se nomme aussi Becker comme le cinéaste Jacques Becker), entre une citation littéraire de Franz Kafka et deux chansons de Damia, entre un rock finlandais en musique de fosse et un autre de Little Bob en musique d’orchestre, entre un tango de Carlos Gardel et une fugue de Jean-Sébastien Bach, Aki Kaurismäki balise en poète inspiré un territoire utopique qui, arraché d’attaches nationales limitatives (on y croise Finlandais et Gabonais, mais aussi un Vietnamien et un tango dont le cinéaste répète à qui veut l'entendre qu'il vient moins d'Argentine que de Finlande, peut-être quelques Belges, et un cerisier final digne des films du japonais Yasujiro Ozu), se joue des temporalités pour mieux exprimer à la fois l’inactualité de l’idée de solidarité et son caractère éternel, malgré toutes les entreprises idéologiques de ternissure. Et si certains considèrent qu'il est outrancier de dire que le sort des Juifs pendant l'occupation de la France par les nazis est identique au sort des migrants sous la présidence Sarkozy, il faut alors avancer que la position tenue par Aki Kaurismäki consiste moins à poser l'identité structurale entre deux incommensurables qu'à affirmer que l'attitude égalitaire et solidaire, quelle que soit la situation vécue, doit rester la même, sans calcul ni rétribution escomptée. Les époques se succèdent, les idées demeurent en les sublimant. C’est pourquoi, s’agissant de son incarnation populaire, l’idée d’égalité dans la solidarité ne se discute pas. C’est l’aspect le plus radical du film Le Havre : son refus de faire de cette idée un sujet de discussion. La solidarité relève ici d’un impératif catégorique, d’une idée régulatrice et éthique sur laquelle il ne s’agit pas de discutailler. Parce que discuter de la solidarité, c’est céder sur son caractère impératif, c’est ralentir, voire neutraliser son effectuation. Seuls les idéologues de la domination peuvent se permettre de discuter de la solidarité entre opprimés s'effectuant par-delà les divisions nationales, pendant que ces derniers la mettent en pratique aussi sûrement qu'ils vivent pour ne pas vouloir seulement survivre. L’horizon de cet impératif populaire, c’est dans le film une couleur : c’est ce bleu kaurismäkien. Et ce bleu émeut, bouleverse, fracasse même tant notre réalité en est si peu colorée. Etre à la hauteur éthique de ce qu’un film expose de manière fulgurante, en dehors de toute identification héroïque puisqu’il s’agit de montrer un enchaînement collectif et anonyme d’actes hétérogènes aux enchaînements policiers, c’est soutenir et réaffirmer ce bleu qui est la couleur de l'horizon vers lequel fuit en bateau Idrissa, sans nostalgie pour Le Havre (son dernier regard est pour Londres hors-champ). Et réaffirmer ce bleu, c’est vouloir en intensifier la puissance afin que le peuple manque moins et, en existant davantage, n’autorise plus les idéologues médiatiques à parler en son nom pour mieux le rendre silencieux. Que le peuple revienne à la vie de l'égalité dans la solidarité après une longue convalescence, telle Arletty miraculeusement revenue de la maladie parce qu'elle incarne, à l'instar du père et de la fille du film de Bela Tarr, Le Cheval de Turin (2011), l'éternelle idée de l'humaine dignité. Qu'il refleurisse et que mille fleurs s'y épanouissent, tel le cerisier japonais avec lequel se clôt Le Havre. Ce film tourné en France par un émigré (finlandais) au sujet d'un autre émigré (gabonais) possède cette grandeur qui, pour parler comme André Malraux, rappelle la grandeur que les pauvres gens ignorent trop souvent avoir en eux.

 

 

3/ Low Life (2011) de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval

 

En avant, jeunesse !


 

« Nous sommes le peuple qui dort, pas le peuple qui fait l’histoire »

(Philippe Garrel, La Frontière de l'aube, 2008)

 

« Et moi je réponds : nous sommes le peuple qui rêve.

Dans le sens : devenons responsables, et prenons nos rêves pour la réalité »

(Élisabeth Perceval, avril 2011)


 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTC5qqvo3IesDeXYRaSwYKkrd1aW063WFzv3CS02ITnUyXpn-BvKQLow-Life est le titre du troisième album studio sorti en 1985 du groupe New Order (en anglais, « low-life » désigne toute personne considérée par sa communauté comme moralement indéfendable). « Low Life » est aussi le nom que donnent les amants (Carmen et Hussain respectivement interprétés par Camille Rutherford et Arash Naimian) à cette région de l'égalité souverainement accomplie entre les êtres et les choses, là où le pouvoir devient impouvoir et l'impuissance pratique puissance onirique – le sommeil (par exemple celui de Hölderlin sur lequel travaille Hussain pour un exposé à la faculté). « Après l’amour, nous nous glissions avec plaisir dans la peau du dormeur… Et dès que j’ouvrais les yeux le monde m’apparaissait sans joie, tellement vieux ! Usé jusqu’à l’écœurement… Très vite on replongeait dans ce monde sensible, heureux, où tous les hommes dorment dans l’égalité du même sommeil… Où un dormeur vaut n’importe quel dormeur, et cet endroit du monde, nous l’appelions Low Life ». Low Life est enfin le titre du nouveau long métrage cosigné par Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval qui ont enfin réussi à dépasser les traditionnels clivages de genre (l'homme à la mise en scène et la femme au scénario) pour accéder à cette égalité dont témoigne pour l'éternité l’œuvre magistrale de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub ( Des nouvelles du front cinématographique (41) : Straub, encore et toujours). Et ce film est doublement consacré à l'égalité telle qu'elle se pratique dans deux « communautés inavouables » (Maurice Blanchot) spécifiques, d'abord l'égalité dans l'amitié offerte par la « communauté désœuvrée » (Jean-Luc Nancy) à ses membres hétérogènes (étudiants libertaires, squatteurs, autonomes des « Blacks Blocs »), ensuite l'égalité dans l'amour tel qu'il s'expose dans la « communauté des amants » (Georges Bataille) formée dans la nuit de la clandestinité par l'amoureux afghan et l'amoureuse française. « Parce qu'il n'y a qu'un monde » comme le dit Djamel, un des jeunes héros du film qui cite ici Alain Badiou. Le désœuvrement se dit ici dans les formes sensibles que prend dans la ville de Lyon une communauté sans commencement ni commandement, ouverte au parcellaire et à l'aléatoire (on pense ici au concept de « zone d'autonomie temporaire » d'après la formule de Hakim Bey – une « Temporary Autonomous Zone » ou TAZ en anglais), livrée au travail libéré de toute obligation productive au sens capitaliste et abandonnée aux gestes non de la pronation et de la consommation mais du don et du contre-don. Ainsi, la faim se résout ici avec l'argent des autres sans calcul ni retour sur investissement, pendant qu'ailleurs les cigarettes et l'alcool circulent au-delà de tout désir de propriété. Un geste communautaire certes ultra-minoritaire, mais aussi une « hétérotopie » (Michel Foucault : cf. Des nouvelles du front cinématographique (61) : L'Apollonide de Bertrand Bonello), certes sans projet politique audible pour le dehors qui permettrait de passer de la révolte de quelques-uns (« happy few ») à la révolution émancipatrice de et pour tous, mais qui affirme quand même un communisme pratique, minimal et élémentaire, à portée de main et de cœur, certes sentimental et un peu romantique aussi. Les spectres de la jeunesse désœuvrée, réfractaire et romantique proposés par Quatre nuits d'un rêveur (1972) et surtout Le Diable probablement (1977) de Robert Bresson, puis plus récemment par Les Amants réguliers (2005) de Philippe Garrel (cf. Des nouvelles du front cinématographique (62) : les heurts du romanesque, une étude en trois cas) hantent explicitement Low Life qui expose le paradoxe de notre époque actuelle, globalement moins politisée que les années 1968 et celles qui s'ensuivirent, mais qui est pourtant vécue de la manière la plus politique qui soit par une minorité sociale hétérogène (les jeunes squatteurs d'une part et d'autre part les migrants clandestins) ne cessant de faire l'expérience de la violence policière sous les formes du contrôle et de la stigmatisation, jusqu'à l'affrontement.

 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTfaI-qySrfPrGvOhT0wzSWBi3o--vSwcckwUWodx9ESVYONp6ZAprès les sans-abris de Paria (2001) et les sans-papiers de La Blessure (2004), Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval continuent donc une œuvre cinématographique dont le geste esthétique consiste moins à raconter ce qui est à représenter qu'il constitue ce qu'il montre par le biais d'une film se voulant à la fois l'allégorie et le documentaire, le témoignage et le récit de la réelle expérience communautaire à cette occasion mise en place. Il ne s'agit donc pas ici de faire des films « sur » mais bien des films « avec », et au sein desquels les sujets documentaires (sans-abris, sans-papiers, squatteurs) et les sujets fictionnels (les jeunes acteurs, pour la plupart inconnus et pour certains issus du Conservatoire national supérieur d'art dramatique) formeraient ensemble des « corps utopiques » (Michel Foucault) cohabitant dans un même espace « hétérotopique » (idem) déplié par les cinéastes dans la triple perspective esthétique de l'égalité, l'amitié et de la communauté partagées. Après Zombies (2009) tourné en caméra DV à Toulouse et seulement disponible sur le site du film Low Life (ici) afin de rendre davantage manifeste le désir d'un cinéma à la fois ininterrompu et branché sur les nouveaux supports numériques et sur les nouvelles aspirations libertaires d'une jeunesse ne se satisfaisant ni de la société existante ni des formes politiques qui veulent la réformer sans la révolutionner, Low Life à nouveau tourné en numérique marque le retour dans les salles de cinéma pour y continuer ce travail de défrichage des zones obscures du social. Plus particulièrement, il s'agit de montrer que dans les intervalles de la cité bourgeoise (Lyon succédant chez les cinéastes à Toulouse puis avant encore Paris) se nichent les sombres anfractuosités dans lesquelles, tels les héros de They Live By Night (1947) de Nicholas Ray, vivent les figures nues qui font de l'illégalité les vouant à l'invisibilité le support négatif d'une légitimité positive propice à de nouvelles formes esthétiques, à un nouveau « partage du sensible » (Jacques Rancière) évidemment égalitaire et par conséquent éminemment politique. De ce point de vue-là, l'équivalent cinématographique de l'expérience esthétique proposée par Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval serait offert par le cinéma permanent bricolé par le cinéaste portugais Pedro Costa (exemplairement dans En avant, jeunesse en 2005) dans les quartiers populaires de Lisbonne et en compagnie du sous-prolétariat d'ascendance coloniale et d'origine cap-verdienne.

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSVi-UPYbVXYomaL58edQQDiVEuAn4fFaYh4mVP2uWLlM6vAtzs8gCe qui rassemble dans l'amitié cinématographique Pedro Costa d'une part et d'autre part Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval (on ajoutera à ces noms celui de Claire Denis : cf. Des nouvelles du front cinématographique (23) : White Material de Claire Denis), c'est aussi une même passion pour I Walked With A Zombie (1943) de Jacques Tourneur. Après un film intitulé Zombies, cela semblerait se justifier parfaitement. De surcroît, un migrant présent de Low Life ne se nomme-t-il pas Carrefour, à l'instar du zombie du film de Jacques Tourneur dont la grise asthénie répondait à la tout aussi grise catatonie de Mrs. Rand afin que les deux amants impossibles à cause de l'indicible pression des clivages de race d'alors puissent se rejoindre dans les quatrième et cinquième dimensions du temps et de l'esprit dont parlait Gilles Deleuze à propos de l'abstraction lyrique telle qu'elle se manifeste entre autres dans le cinéma de Robert Bresson et Jacques Tourneur (in Cinéma 1. L'image-mouvement, éd. Minuit, coll. « Critique », p. 159-165) ? Les amants impossibles et shakespeariens (Nicolas Klotz n'a-t-il pas tourné en 2007 un court-métrage intitulé Jeunesse d'Hamlet, Clichy-sous-Bois, 15 novembre 2005) prennent désormais le visage de Carmen et Hussain dans Low Life (qui s'ouvre sur un monologue féminin très « ophélien »). Pendant que le sommeil des amoureux répond à l'impossibilité étatique de vivre leur amour à la pleine lumière du jour sous contrôle des caméras de surveillance policières, les rites magiques des migrants africains effectués avec la matière grise des courriers

préfectoraux énoncent littéralement le caractère de malédiction hantant les avis d'expulsion et autres « obligations à quitter le territoire français » (résumées par le terrible sigle OQTF). Parce que cette littérature administrative brûle les mains et les âmes des migrants (et les doigts aussi comme le montre le documentaire de Sylvain George Qu'ils reposent en révolte), parce qu'elle est animée, malgré la rationalité étatique qui en constitue le fondement symbolique, par un mauvais esprit raciste et liberticide, parce que les décisions du pouvoir d’État produisent des effets psychiques insoupçonnés sur ses sujets (au sens de ceux qui sont assujettis par lui), parce que le « biopouvoir » (Michel Foucault) est aussi un « psychopouvoir » (Bernard Stiegler), l'anomie zombique pour les migrants frappés par la clandestinité et la léthargie amoureuse pour Camille et Hussain, les fonds gris et neutres à la Edouard Manet et un filmage numérique sombre et spectral, la narcose pour les personnages et l'hypnose pour les spectateurs (entretenue par les nappes de musique « cold-wave » composée par Ulysse Klotz dans la continuité artistique de New Order cité dans La Question humaine et Joy division cité dans La Blessure) représentent diversement les symptômes d'un malaise dans la civilisation occidentale ou la culture néolibérale dont la dénégation risque d'en entraîner l'explosion.

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcS_s_4videTWGR4bp9f2tXDdnSV6a_F6xidbtTBamDWAzcAAeIBC'est alors la profonde beauté du cinéma pratiqué par Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval (qui les éloigne momentanément de Jean-Luc Nancy, à nouveau remercié dans le générique-fin de leur nouveau film, pour les rapprocher de la philosophie de Judith Butler : par exemple Vie précaire. Les Pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, éd. Amsterdam, 2005) que de montrer les conséquences psychiques du pouvoir étatique, qu'il s'agisse de l'anomie frappant les sans-abris de Paria, l'asthénie de l'héroïne de La Blessure qui refuse de sortir de chez elle après avoir été brutalisée dans un centre de rétention, de la léthargie des amants de Low Life, comme aussi de la désorientation éprouvée par le cadre supérieur joué par Mathieu Amalric dans La Question humaine (2007) d'après le roman éponyme de François Emmanuel paru en 2000, quand il découvre que la rationalité managériale recoupe de manière structurale celle instituée par le régime nazi au moment de l'extermination des Juifs. Parmi les nombreux spectres qui passent dans Low Life, on pourra reconnaître par le biais des fuites des autonomes et des migrants à travers les circuits des traboules lyonnaises d'autres courses, par exemple les fantômes des canuts lors de la révolte ouvrière de 1831, par exemple aussi ceux des résistants lyonnais rassemblés autour de la figure de Jean Moulin. Seraient-ce là d'horribles amalgames comme le dit l'officier de police (jouée par Hélène Fillières) à Camille alors que Hussain est recherché par la police afin de l'expulser hors du territoire national ? La réponse de la jeune femme est d'une très grande intelligence qui lui donne alors l'aspect d'une petite Antigone de notre temps (semblable à la vieille militante communiste chinoise Fengming He filmée par Wang Bing : Des nouvelles du front cinématographique (69) : Impasses du communisme étatisé (II)) : les lois circonstanciées de l’État en contrevenant à l'éternelle loi des amoureux déterminent chez ces derniers le désir légitime de la désobéissance civile chère à Thoreau et Gandhi. L'amour est ici le vecteur d'un combat politique pour l'émancipation en regard d'un pouvoir étatique dont le champ d'intervention toujours plus étendu révèle dès lors sa pente totalitaire. Les « amoureux au ban public » (pour reprendre le nom de cette association de défense des couples mixtes victimes des législations anti-migratoires) incarnent par conséquent une justice hétérogène au droit comme l'aurait dit Jacques Derrida. Ils incarnent une puissance rappelant le pouvoir étatique à son impouvoir fondamental (cf. Des nouvelles du front cinématographique (60) : figures de l'impouvoir dans Melancholia et Habemus Papam). Comment l’État pourrait-il alors empêcher l'imprévisible amour de survenir et, advenant, d'incarner l'exception de la vie à la règle de l'« État d'exception » (Giorgio Agamben) ?

 

 

http://www.fondation-copernic.org/local/cache-vignettes/L240xH240/arton88-febe4.jpg« Comme on l'a vu, la politique de fermeture des frontières est aussi illusoire que néfaste. Malgré son échec, elle reste dangereuse dans sa portée idéologique : elle distille l'inégalité comme norme, réduisant les déclarations des droits de l'Homme à une vaine rhétorique ; elle "ethnicise" le concept de nation, avalisant l'idée de degrés de citoyenneté liés à la "race" ou à la "culture". Sous des dehors étatistes, elle se traduit par la précarisation d'un volant important de main-d'œuvre qui satisfait les exigences du libéralisme » (Égalité sans frontière. Les immigrés ne sont pas une marchandise, op. cit., p. 109-110). Comment dès lors contrer les processus d'ethnicisation ou de racialisation de la notion de citoyenneté qu'impliquent les politiques migratoires particulièrement répressives mises en œuvre a minimapar les gouvernements de droite depuis dix ans ? Et comment s'opposer à une logique policière visant la division de l'ensemble du salariat et vouant les travailleurs sans-papiers à une précarisation qui intéresse forcément l'exploitation capitaliste ? « La réglementation de l'immigration et du statut des étrangers, issue de la fin du XIXe siècle, est liée à deux logiques. La première est une logique économique, que l'on peut nommer "utilitarisme migratoire" ; elle suit l'expression d'un besoin de main-d'œuvre moins pourvue en droits, donc en capacités de résistance, que la main-d'œuvre nationale. La seconde logique de réglementation de l'immigration est une logique de délimitation des bénéficiaires de droits politiques et sociaux conquis depuis deux siècles : droits civils, droits politiques, libertés syndicales et associatives, droit du travail, protection sociale... C'est une logique de fixation des "frontières de la démocratie" » (On bosse ici, on reste ici ! La grève des sans-papiers : une aventure inédite, op. cit., p. 291-292). Le documentaire de Sylvain George, identifiant esthétique et politique en associant expression poétique et engagement militant, insiste pour sa part à envisager la révolte du peuple migrant de la « jungle de Sangatte » contre sa destruction administrative comme un épisode méconnu de la lutte des classes. L'une des grandeurs du film Qu'ils reposent en révolte (des figures de guerres) aura alors montré qu'à l'endroit même de la déstructuration du salariat industriel national (le nord de la France) s'est récemment jouée (et se joue toujours, ici et ailleurs) une lutte des classes comprise dans sa réalité internationale. La perspective privilégiée par le cinéaste finlandais temporairement exilé en France Aki Kaurismäki aborde quant à lui la question compliquée du peuple : alors que les idéologues médiatiques, éditorialistes et politologues de tout poil travaillant à ce que la fabrique idéologique de l'opinion coïncide avec la protection des intérêts capitalistes de leurs employeurs (cf. Les Nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat), profitent à nouveau du premier tour des élections présidentielles du 22 avril dernier pour répéter leurs antiennes concernant le rapport entre l'importance du vote ouvrier pour le Front National et le « populisme » défendu par sa représentante patentée, Le Havre présente un peuple qui ne se (re)constitue comme tel que lorsqu'il se sépare de l'idéologie nationale-étatique en déployant le sens d'une générosité transfrontalière dénuée de toute visée utilitariste. Et ce peuple peut ainsi réaffirmer une dignité constamment bafouée par les représentations médiatiques et les discours politiciens autoritaires qui prétendent parler en son nom afin d'en étouffer l'autonomie. Car la volonté populaire se comprend ici dans son sens le plus parfaitement générique : le peuple des « sans-parts » (Jacques Rancière) est bien la classe universelle qui ne possède rien en propre, sinon l'impropriété commune relative à ces « idées éternelles » (Alain Badiou) que sont ensemble l'égalité, la justice et la solidarité. Enfin, dans la continuité de La Blessure, Low Life de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval perpétue le geste communautaire dont l'« inavouable » (Maurice Blanchot) « désœuvrement » (Jean-Luc Nancy) consiste en l'affirmation du caractère disjonctif de la loi de l'amour et de l'amitié hétérogène au droit des États policiers. « Les amis ne partagent pas quelque chose (une naissance, une loi, un lieu, un goût) : ils sont toujours déjà partagés par l'expérience de l'amitié. L'amitié est le partage qui précède tout autre partage, parce que ce qu'elle départage est le fait même d'exister, la vie même. Et c'est cette partition sans objet, ce con-sentement original qui constitue la politique » (Giorgio Agamben, L'Amitié, éd. Payot & Rivages, 2007, p. 40).La loi non-écrite des amis ou l'espace introuvable (le sommeil) des amoureux, en ce qu'ils manifestent le lieu (au double sens de ce qui se dit et de ce qui se situe) de l'évanouissement des inégalités sociales et raciales, est dans Low Life l'exception de la vie commune à la règle oppressive de l'état d'exception exigé par l'État et le Capital au nom des intérêts nationalistes du premier et économiques du second. Qu'ils reposent en révolte (des figures de guerres), Le Havre, Low Life : à chaque fois, une même vérité, la seule qui compte du point de vue politique, universel et générique . Qui est ici est d'ici !

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 12:27

http://change-production.s3.amazonaws.com/photos/3/bw/dw/rmBWdwWraPyklHT-320x240-cropped.jpg?1336159500

 

Nous exigeons une nouvelle loi !

 

20 ans après son vote, exigeons un droit juste et efficace !

 

Le 4 mai 2012, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité, a déclaré non conforme la loi sur le harcèlement sexuel et l’a immédiatement abrogée.

 

La condamnation de Gérard Ducray, ancien secrétaire d’État, ancien ministre, élu municipal, avocat, condamné pour harcèlement sexuel à l’encontre de trois femmes en mars 2011 est, par conséquent, annulée, ainsi que toutes les procédures pénales en cours.

 

Pour la première fois dans l’histoire des luttes féministes, une loi est abrogée vingt ans après avoir été votée et alors même que l’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail : ici) avait alerté les pouvoirs publics sur sa non-conformité à la Constitution et sur son inefficacité pour les victimes.

 

Jusqu’au vote, le cas échéant, d’une nouvelle loi, les victimes sont abandonnées par la justice. Le message d’impunité ainsi adressé aux harceleurs est révoltant.

 

Le Conseil Constitutionnel :
Article 1er.- L'article 222-33 du code pénal est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 7.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.


Nous exigeons une réforme des dispositions juridiques relatives au harcèlement sexuel.

NOUS NOUS MOBILISERONS JUSQU’À CE QU’ELLE SOIT RÉALISÉE !

 

[Le texte de cette pétition est tiré du communiqué signé par Marche Mondiale des Femmes, Femmes Solidaires, AVFT Libres et Egales, Collectif National Droits des Femmes, Collectif Féministe contre le Viol, Elues contre les Violences faites aux Femmes, le Clasches, AG de féministes et de lesbiennes, Union syndicale Solidaires, Association Droits des Femmes XXème, L’Égalité c’est pas sorcier, la CLEF, la Gauche anticapitaliste, SUD étudiant, Nouveau Parti Anticapitaliste...]

 

Pour signer la pétition : cliquer ici.

 

Addendum ("Quatre sages connaissaient le requérant", article du Monde du 05 mai 2012 : cliquer ici) 


Gérard Ducray, l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a conduit le Conseil constitutionnel à censurer la loi sur le harcèlement sexuel, va donc être blanchi et sa condamnation cassée.

 

Cependant M. Ducray n'est pas un total inconnu d'au moins quatre des membres du Conseil. Il a été secrétaire d'Etat au tourisme de 1974 à 1976, le chef de l'Etat était alors Valéry Giscard d'Estaing, le premier ministre Jacques Chirac, tous deux membres de droit du Conseil constitutionnel, même s'ils ne siègent plus.

 

En revanche, Jacques Barrot, qui était secrétaire d'Etat au logement dans le même gouvernement que M. Ducray, a, lui, statué sur la QPC qui a de fait annulé la condamnation de son ancien collègue. Hubert Haenel, qui a lui aussi siégé, était de son côté conseiller pour les questions judiciaires à l'Elysée de 1975 à 1977.

 

Si les membres du Conseil sont impartiaux, ils doivent aussi juridiquement en donner "l'apparence", et faute pour deux d'entre eux de s'être déportés (s'être abstenus de siéger), se pose une nouvelle fois la question de la composition du Conseil. "Les conditions de déport sont très strictes, fait valoir la haute juridiction, la seule question qui se pose, c'est de savoir si les membres ont participé à l'élaboration de la norme, c'est-à-dire le vote de la loi. Ce n'est pas le cas."

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 16:38

Le racisme en chiffres


Pour l’INSEE, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et qui a pu devenir française, alors qu’un étranger est une personne qui n’a pas la nationalité française, même si elle peut être née en France)1.

 

  1/ Les différences de revenus :


. Sur les 1,6 millions d’étrangers actifs en France, 46 % sont ouvriers contre 25 % des Français de naissance. 0,8 % occupent des professions libérales. 0,5 % sont des chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus.

 

. L’écart entre le salaire net moyen d’un non-immigré travaillant à temps complet et un immigré à temps complet est de 10,7 %. Il est de 13,6 % pour les femmes. L’écart moyen entre un non-immigré travaillant à temps partiel et un immigré à temps partiel est de 24,9 %. Il est de 28,7 % pour les femmes.

 

. L’écart moyen entre le revenu initial (avant prestations et impôts) des ménages immigrés et non-immigrés est de 30 %. L’écart moyen entre le revenu disponible (avant impôts diminués des impôts directs) est de 24,8 %.

 

2/ Le seuil de pauvreté :


. 15 % des ménages immigrés vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 5,6 % pour les ménages non immigrés. Les ménages originaires des pays du Maghreb sont les plus touchés (22,6 %).

 

Selon une analyse du CREST (Centre de Recherche de l’INSEE), un tiers des écarts de salaire et la moitié de la différence du taux de chômage entre les descendants de Français de naissance et les actifs ayant au moins un parent né sur le continent africain ne peuvent s’expliquer par le niveau d’études, l’expérience ou le lieu d’habitation. C’est là une reconnaissance implicite du facteur racial dans l’explication des inégalités sociales.

 

3/ L’emploi et le chômage :

 

. 29,6 % des immigrés masculins d’origine algérienne sont au chômage, et 23,2 % des Français dont les parents sont d’origine algérienne, contre 10,1 % pour les natifs.

. 30,7 % des immigrés masculins d’origine subsaharienne sont au chômage, et 26,7 % des Français dont les parents sont d’origine subsaharienne sont au chômage.

. 35 % des personnes d’origine maghrébine sont au chômage, contre 10,9 % des ressortissants de l’Union Européenne, et 23,7 % de l’ensemble des étrangers.

. 22,3 % des femmes d’origine algérienne sont au chômage, et 29,4 % des femmes d’origine turque, contre 12,2 % de natives (personnes nées en France de deux parents nés en France).

. Un candidat de nationalité française avec un nom et un prénom français a, en moyenne, entre 1,5 et 3 fois plus de propositions d’entretien d’embauche que les Français dont le prénom est d’origine maghrébine.

 

Entre 6 et 7 millions d’emplois sont interdits aux étrangers (soit 30 % des postes de travail), en particulier aux non-ressortissants de l’Union européenne. D’abord, ce sont 5 millions d’emplois de la fonction publique (sauf statuts dérogatoires accordés quand on ne trouve plus à recruter). L’enseignement, le domaine hospitalier et les collectivités territoriales sont fermés à ceux qui ne sont pas détenteurs de la nationalité française. On devra ajouter un million d’emplois des entreprises publiques, SNCF et RATP, ne s’ouvrant que très lentement aux non-Français. Si le secteur privé apparaît moins fermé, environ 1,2 millions restent interdits aux étrangers : moitié à cause de la nationalité, moitié parce qu’il faut disposer d’un diplôme français pour y accéder.

 

4/ L’éducation et la formation :

 

. 10 %, c’est l’écart séparant les résultats obtenus aux évaluations nationales des élèves dont les deux parents sont français, et les élèves dont les deux parents sont immigrés ou étrangers.

. 27,2 % des élèves issus de familles immigrées sont en lycées généraux, contre 39,7 % pour les élèves de familles non-immigrées.

. 19,7 % des élèves de nationalité étrangère entrés en 6ème en 1989 obtiennent le baccalauréat général, contre 38 % des élèves de nationalité française.

 

Si, d’après le ministère de l’éducation, la persistance des inégalités scolaires est étroitement liée à la catégorie socioprofessionnelle et à l’origine populaire des parents, ce serait donc le marché de l’emploi qui serait en réalité discriminant. La scolarité perturbée des enfants ayant migré, les difficultés d’adaptation des parents immigrés seraient des facteurs explicatifs d’un échec scolaire plus grand pour les élèves ayant accompli avec leurs parents une trajectoire migratoire. Deux impensés hantent pareil jugement : l’existence d’un grand nombre d’élèves français d’ascendance migratoire (c’est-à-dire dont les parents, voire les grands-parents, ont accompli une trajectoire migratoire, mais qui n’ont quant à eux jamais migré) et n’ayant par conséquent jamais subi les difficultés sociales relatives à une trajectoire de migration ; le racisme plus ou moins latent, conscient ou déclaré, des représentants de l’institution qui peut relativement déterminer, par l’attribution des notes et l’orientation scolaire notamment, la reproduction des inégalités scolaires comprises alors comme des inégalités raciales.

 

5/ Le logement :

 

. 35 % des ménages immigrés sont propriétaires de leur logement, contre 57 % des ménages non-immigrés.

. 32 % des ménages immigrés sont locataires du secteur social, contre 16 % des ménages non-immigrés.

. 32 % des ménages immigrés sont propriétaires de leur logement, contre 57 % des ménages non-immigrés.

. Le surpeuplement affecte 28,4 % des ménages immigrés, contre 5 % des ménages non-immigrés.

. La surface moyenne en m² est de 75,1 % pour les ménages immigrés, contre 92,7 % des ménages non-immigrés.

 

Si l’état des discriminations reste difficile à quantifier (que l’on pense au récent débat sur les « statistique ethniques »), on sait par contre que deux facteurs se cumulent pour expliquer les inégalités dont sont victimes tant les migrants que leurs enfants : l’appartenance aux classes populaires, ainsi que l’identification stigmatisante à l’histoire migratoire de France. C’est la discrimination raciste inscrite dans l’histoire coloniale française qui détermine le différentiel inégalitaire entre un prolétaire natif et un prolétaire étranger, immigré ou d’ascendance migratoire. Pis, c’est l’héritage symbolique du stigmate raciste qui participe à minoriser une partie de la population française, qu’elle soit détentrice ou non de la citoyenneté française, qu’elle soit née ou non sur le sol français.

 

1 Sources : INSEE, recensement de 1999 ; INSEE enquête emploi, 2003 ; INSEE-DGI, enquête revenus fiscaux, 2001 ; INSEE enquête étude de l’histoire familiale 1999 ; INSEE enquête logement 2002 ; Education nationale ; L’Etat des inégalités en France. Données et analyses 2009, éd. Belin, 2008 (pp. 103-113).

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 13:16

Interview de Violaine Girard, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Rouen, étudie depuis une dizaine d’années l’évolution du vote d’extrême droite dans un territoire rural du sud-est de la France :

Recueilli par Charlotte Rotman dans Libération, 28 avril 2012 (ici)

Violaine Girard a passé le premier tour dans un bureau de vote d’une commune située à la périphérie rurale d’une grande agglomération du sud-est de la France, ancrée à droite, qu’elle étudie depuis presque dix ans. Maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Rouen, elle précise les dynamiques du vote FN des classes populaires dans ce territoire rural en recomposition. Sa monographie montre que les électeurs de Marine Le Pen ne peuvent être résumés à de simples «oubliés» du système.

Pourquoi étudier ce territoire périurbain ?

C’est intéressant parce que ce territoire rural, transformé par de grands projets d’aménagements, cumule des caractéristiques des zones périurbaines dont on parle beaucoup en ce moment. Ce territoire a connu une urbanisation diffuse, avec la construction de maisons individuelles par des ménages des classes populaires. C’est un territoire qui a connu aussi un mouvement de relocalisation industrielle facilitée par un foncier moins cher qu’en ville, et par la volonté des élites politiques et économiques de contourner les grandes forteresses ouvrières. Mais il conserve un caractère rural, avec des exploitations agricoles et des petites communes où on retrouve une sociabilité autour de l’école, de la vie au village, des associations sportives, des lotos les samedis soirs.

Quel a été le vote au premier tour de la présidentielle ?

Dans le canton, Nicolas Sarkozy est arrivé en tête avec 26,6%, suivi de près par Marine Le Pen, à 24,2%, et François Hollande, à 21,9%. En 2007, Jean-Marie Le Pen était à 14,5%, Sarkozy à 31,3%. On retrouve ces mêmes ordres de grandeur dans la commune que j’étudie : sur 604 inscrits, et 529 votants, 169 ont choisi Sarkozy (soit 33%), 165 Le Pen (32%), 83 Hollande (16%).

Quelles sont les composantes de ce vote FN ?

Les profils des habitants sont divers, et cela se retrouve pour leurs votes. Ils appartiennent aux classes populaires : les femmes sont à 49% des employées, 20% des ouvrières, la moitié des hommes sont ouvriers dans le canton en 1999. Il y a des gens précarisés, mais aussi d’autres, qui ont des qualifications et se projettent dans des trajectoires d’accès à la propriété. Dans ceux qui votent FN, on retrouve par exemple un jeune ouvrier, célibataire, qui a cumulé beaucoup d’emplois précaires, CDD ou intérim, avant d’obtenir un CDI dans la distribution alimentaire. Il y a des trajectoires heurtées, comme la sienne. Le vote FN est alors dû à une précarité croissante. Avec l’éclatement des emplois dans cette zone industrielle qui compte une centaine d’entreprises de tailles diverses, il y a beaucoup moins de collectif, les travailleurs ont des statuts différents et leur sentiment d’appartenance à la condition ouvrière s’est affaibli.

Avez-vous mis à jour d’autres dynamiques ?

Oui, on ne peut pas dire que le vote FN soit seulement un vote de déclassement et de relégation. Dans ces votes, on retrouve par exemple le choix de techniciens en fin de carrière, stables, et propriétaires de leur maison. Bien sûr, les électeurs d’extrême droite sont confrontés à des difficultés sociales, mais ce serait trop généralisant et simpliste de les voir, comme certains analystes le disent parfois, uniquement comme des ménages modestes relégués dans le périurbain et victimes de la mondialisation. Pour certains, le vote FN est un vote lié à des efforts de distinction. Ils veulent se démarquer, ne pas être assimilés à ceux qui se trouvent en bas de l’échelle. Ils ne sont pas rattachés à ceux d’«en bas», sans appartenir non plus à ceux d’«en haut». Beaucoup ont d’ailleurs quitté des quartiers populaires des banlieues voisines. Ils portent un regard stigmatisant sur ceux qui vivent dans l’habitat social, sur les ménages issus de l’immigration. Et dévalorisent les plus précaires, auxquels ils ne veulent pas être reliés.

Comment expliquez-vous la progression du vote FN entre 2007 et 2012 ?

Pour cette présidentielle, je sens vraiment un contexte de défiance par rapport aux leaders politiques nationaux. Les élus locaux parlent de «ceux d’en haut» qui ne connaissent pas les «vrais» problèmes. Nicolas Sarkozy a perdu du crédit. Il y a une distance, un scepticisme, une ironie par rapport à l’action politique. Le vote FN ne vaut pas forcément adhésion à tout le programme, mais c’est aussi le signal de cette distance et la marque d’un effritement du clivage gauche-droite. Dans la commune, le vote FN reste toutefois difficile à afficher publiquement. Mais il y a aussi une tolérance, de la part de ceux qui ne votent pas pour Marine Le Pen, pour ses électeurs, et un refus de les juger.

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 10:30

par Acrimed, le 29 avril 2012

 

Les médias font volontiers leurs choux gras de l’« insécurité ». Le thème se prête aux raccourcis et aux amalgames ; il alimente régulièrement les pratiques journalistiques les plus douteuses et les commentaires les plus démagogiques. De manchettes racoleuses jusqu’aux dossiers en apparence sérieusement documentés, la décennie écoulée n’a pas été avare en accroches saisissantes déclarant ou prédisant l’explosion de l’ « insécurité », vantant la réussite ou (plus souvent) dénonçant l’échec des « politiques de sécurité », annonçant la publication des prétendus « vrais chiffres de l’insécurité »... Mais de quelle « insécurité » parle-t-on ? Quels sont les impensés véhiculés par l’usage générique, souvent simpliste et irréfléchi, de ce terme fortement équivoque ? Comment l’imaginaire sécuritaire imprègne-t-il les représentations communes ? Comment tâcher de se défaire de son emprise ?

 

« Jeudi d’Acrimed »
Jeudi 24 mai 2012 à 19 heures
à la Bourse du travail de Paris
3, rue du Château d’Eau, Paris 10ème

Avec Laurent Bonelli, maître de conférences en science politique à l’université de Paris Ouest Nanterre-La Défense et membre de la rédaction du Monde diplomatique. Il est notamment l’auteur de La France a peur. Une histoire sociale de l’ « insécurité », Paris, La Découverte, 2010 [2008].

 

 

En guise de présentation du débat


L’ « insécurité » – ou plutôt son exploitation médiatique – fait vendre. Et ce, particulièrement en période de « crise ». La chose n’est pas nouvelle et les historiens ont bien décrit la façon dont des périodes de mutation sociales et politiques s’accompagnent d’une inflation des discours publics autour du « crime », de la « délinquance », de la « violence » ou de l’ « insécurité » ; autant de termes qui méritent des guillemets, tant ils renvoient à des phénomènes très divers tant par leurs formes que par leurs causes et leurs conséquences sociales et individuelles. Ces mêmes historiens ont en même temps montré combien les discours publics sur les diverses formes de déviance qui se manifestent dans la vie sociale ne sont pas neutres : ils reflètent, et souvent contribuent à reproduire, un état momentané des rapports de force sociaux. Ainsi, si les transgressions des nantis gagnent parfois à être placées sous les projecteurs, ce sont bien plus souvent les déviances populaires qui sont thématisées et dramatisées. De ce point de vue, le début du XXIe siècle n’est pas sans faire écho à des périodes passées, notamment la fin du XIXe siècle.

 

Or, pris dans l’urgence de l’actualité, le commentaire journalistique manque souvent du recul nécessaire à un traitement équilibré et raisonné de ces questions. En faisant l’économie d’une mise en perspective de la situation présente, il nourrit une certaine amnésie sociale. Montant en épingle des faits divers tragiques, ou se gargarisant de statistiques sans en préciser les précautions d’emploi, le discours médiatique le plus courant ne permet pas d’avoir une vue globale, informée et distanciée de phénomènes hétéroclites hâtivement regroupés sous le terme d’ « insécurité ». Cette insécurité dont il est abondamment question se réduit généralement aux atteintes directes et visibles aux biens personnels et aux personnes privées. Ce faisant, des formes plus diffuses ou subreptices, mais bien réelles, d’insécurité, sont passées sous silence ou du moins minorées, ou ne sont simplement pensées à travers cette grille de lecture. Quelle place celle-ci accorde-t-elle à l’insécurité sociale, face au logement, à la santé, au salaire ? Le traitement médiatique ne se focalise-t-il pas outre mesure sur les quartiers populaires, auxquels il semble imputer exclusivement des comportements condamnables qui sont aussi le fait de classes plus aisées ? Quid de la délinquance « en col blanc », dont le coût social est parfois colossal ? Bref, peut-on dissoudre, comme les médias le font trop souvent, la question sociale dans des problèmes de délinquance qui tendent à lui faire écran ?

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 21:45

Communiqué CFDT – CGT – FSU – Solidaires - UNSA
1er mai 2012


Pour les revendications et le progrès social


Dans cette période de crise en France et en Europe, les organisations syndicales CFDT, CGT, FSU, Solidaires, UNSA
affirment leur volonté de faire du 1er mai 2012, journée de solidarité internationale du monde du travail, une forte journée de mobilisation, de manifestations et d’expressions revendicatives pour :


- Faire entendre les priorités sociales et les préoccupations des salariés, des demandeurs d’emploi, des jeunes
et des retraités, en France et en Europe,


- Exprimer la défense des droits fondamentaux et des libertés partout en Europe et dans le monde,
- Faire reculer la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme.


Dans beaucoup de pays européens, les populations subissent des politiques d’austérité et des réformes réduisant
les droits des travailleurs et leur protection sociale.


La crise ne peut être le prétexte pour remettre en cause nos systèmes sociaux. Il faut une véritable politique de
croissance, prenant en compte les enjeux écologiques, qui passe par l’amélioration du pouvoir d’achat et la
création d’emplois.


La pression sur les salaires et l’assouplissement des règles de licenciement ne peuvent qu’aggraver le chômage et
la précarité.


S’il y a un manque de compétitivité des entreprises, elle est notamment due à la rémunération excessive du
capital au détriment de l’investissement dans l’emploi, la formation, la recherche et l’innovation.


En ce 1er mai, nous voulons faire écho aux revendications portées par les salariés dans cette période de crise :


- Priorité à l’emploi, en particulier des jeunes, alors que le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter depuis de longs mois et que les restructurations, les licenciements et les fermetures d’entreprises sont le quotidien de nombreux salariés,


- Lutte contre la précarité qui touche un nombre croissant de salariés, en particulier jeunes et femmes, et provoque des situations de pauvreté intolérables,


- Les salaires et le pouvoir d’achat sont une priorité. Il n’y a aucune raison de laisser les inégalités salariales perdurer, notamment entre les femmes et les hommes.


Nous réaffirmons avec le syndicalisme européen notre opposition à ces politiques et au nouveau traité qui, en faisant l’impasse sur la croissance, ne fera que renforcer l’austérité et la crise.


Nous voulons dans les mobilisations du 1er mai réaffirmer le besoin d’une Europe solidaire, dans un monde en paix, affirmant sa dimension sociale, ce qui impose de :


- Développer les droits des salariés et assurer des services publics de qualité,


- Mettre un terme à la concurrence sociale et fiscale entre pays de l’Union européenne qui tire les garanties des
travailleurs vers le bas. Il faut une autre répartition des richesses et mettre un terme à la spéculation
financière,


- Faire respecter la place et le rôle de la démocratie sociale, de la négociation collective et du dialogue social.


La CFDT, la CGT, la FSU, Solidaires et l’UNSA Ile-de-France appellent à participer massivement à la manifestation unitaire du 1er mai 2012 à 15h de Denfert-Rochereau à Bastille.


Le 17 avril 2012

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 14:33

http://www.visa-isa.org/files/visa.jpg

mer, 25/04/2012 - 14:16

 

Le dimanche 22 avril 2012, les électeurs se sont fortement mobilisés à l'occasion du premier tour de l’élection  présidentielle. Ils ont exprimé leur exaspération face à la crise du capitalisme néolibéral et à la politique de Sarkozy et de son gouvernement. La droite au pouvoir est considérablement affaiblie puisqu'elle passe de 34,5 % en 2007 à 27,2 % en 2012.


Ce premier tour a bien été un référendum anti-Sarkozy. VISA se félicite de cet échec du candidat antisocial de l’UMP qui a tant fait pour banaliser les discours racistes et xénophobes du FN et souhaite que cet échec soit confirmé et amplifié au 2ème tour.

 

Malheureusement, le rejet de Sarkozy a aussi bénéficié à Marine Le Pen et au Front National. Avec 17,9 % des voix, soit 6 421 773 électeurs et électrices, Marine Le Pen réalise le score le plus élevé jamais réalisé par l'extrême droite dans ce pays. Elle fait mieux que Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2002. Même s’il progresse chez les femmes, son électorat reste majoritairement masculin, ancré dans la petite bourgeoisie et les classes populaires (Marine Le Pen obtient 29 % du vote des ouvriers, 22 % de celui des employés). Au plan géographique, les zones de force du vote frontiste restent le nord-est et le littoral méditerranéen mais on peut observer une montée dans des régions comme la Bretagne et les Pays de Loire, ainsi que dans les zones rurales et périurbaines.

 

On peut donc parler d’un succès de Marine Le Pen, même si elle n’a pas réalisé son objectif d’être au second tour. Elle le doit d’abord à la stratégie de dédiabolisation qu'elle a mise en place ces dernières années. Ce premier tour de l'élection présidentielle de 2012 montre que la dirigeante du FN a réussi en grande partie à banaliser son parti, à faire disparaître l’accusation d'antisémitisme qui pesait sur lui notamment du fait des provocations de son père. Elle est parvenue à gagner de nouveaux électeurs en apparaissant un petit peu moins fermée sur le terrain des mœurs  et surtout en s’emparant de thèmes économiques et sociaux qui sont aujourd'hui au cœur des préoccupations des Français. En même temps, elle a su revenir sur le terrain habituel de l’extrême droite dans les dernières semaines de la campagne : l'immigration et l’insécurité. C'est ce qui peut expliquer qu’elle a pu attirer à elle dans les derniers jours le vote d’électeurs qui pensaient s'abstenir.

 

Le score de Marine Le Pen lui permet donc de se poser en arbitre du deuxième tour de l'élection présidentielle et de peser sur les thèmes qui seront en débat dans la campagne de l’entre deux tours. D’ailleurs, le président sortant continue de s’approprier les thèmes et la radicalité si chère à l’extrême droite. Plus grave, il valide la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen en déclarant que celle-ci est compatible avec la République ce qu’aucun dirigeant de la droite n’avait fait depuis que le FN pèse sur la vie politique française.


Au-delà, Marine Le Pen et son entourage préparent déjà les élections législatives de juin avec deux objectifs : pouvoir constituer un groupe parlementaire à l'Assemblée Nationale en se maintenant au deuxième tour des élections législatives et faire éclater l'UMP. D'ores et déjà, Marine Le Pen entend s'affirmer comme la principale opposante au gouvernement de François Hollande si celui-ci est élu le 6 mai.

 

Notre association, qui regroupe des militants syndicaux de la CFDT, de la CGT, de la FSU et de Solidaires, reste déterminée à combattre les idées du Front National. Depuis plusieurs années nous alertons le mouvement syndical sur les dangers que représente le Front National et la politique xénophobe du gouvernement pour le monde du travail ; l’appel en ce sens que nous avons lancé il y a plus d’un an a été signé, à ce jour, par plus de 2100 syndicalistes ; nous avons mis aussi à la disposition des syndicats des livres, brochures, affiches, journées de formation,  comme autant d’outils pour contrer la propagande d’extrême droite.

 

Dans cette nouvelle situation politique, nous continuerons inlassablement notre travail de dénonciation de l'idéologie et de la stratégie politique du F-Haine de Marine Le Pen. Pour nous, cette idéologie reste marquée par le racisme, le sexisme, l’homophobie et un nationalisme autoritaire. Marine Le Pen n'a aucunement renoncé à la préférence nationale, bien au contraire. Nous continuerons aussi à expliquer que son projet reste la création d'une force politique en capacité de construire un État autoritaire visant à mettre au pas les salariés au profit des forces du capital. Nous continuerons de démonter la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen qui n'est qu'une manœuvre habile de tromperie des travailleurs.

 

Ce travail, nous le savons pertinemment, devra obligatoirement s'accompagner, pour être efficace, d'une remobilisation des travailleurs et de leurs organisations syndicales, pour défendre leurs intérêts de classe. Cette remobilisation devra permettre d’imposer les transformations sociales nécessaires pour endiguer la montée d'une force qui doit être qualifiée pour ce qu'elle est : un parti fasciste.

 

Ce travail de reconquête doit commencer dès le 1er mai 2012. Au moment où Marine Le Pen et les siens paraderont en l'honneur de Jeanne d'Arc , à l’heure où Sarkozy et l’UMP se rassembleront Place du Champ de Mars pour célébrer avec des accents pétainistes le « vrai travail », la fête des travailleurs doit être l'occasion pour que cette  grande manifestation intersyndicale, populaire et de solidarité internationale puisse allier l'affirmation des revendications des salariés face à la crise à la protestation contre la montée des forces remettant en cause les idéaux de justice et d’égalité et les acquis sociaux, en France et en Europe.


C'est à cette tâche que nous nous consacrerons dans les prochains jours.

 

V.I.S.A. (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes)   25 AVRIL  2012

 

assovisabis@gmail.com

 

http://www.visa-isa.org/

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 11:48

http://www.reseau-salariat.info/resources/images/illustrations/versus_le_lexique.png

Réseau Salariat est une association d'éducation populaire (ici). Elle réunit des travailleurs et des travailleuses de tous horizons : salarié-e-s d'associations, d'entreprises et de la fonction publique, syndicalistes, mais encore retraité-e-s, chômeurs et chômeuses, parents et étudiant-e-s.

 

Nous sommes à votre disposition pour des conférences-débats, des formations, des interventions dans des configurations très variées. Notre prestation est gratuite (vous ne payez que le déplacement de l'intervenant et vous l'hébergez si besoin). Nous produisons par ailleurs des supports pédagogiques téléchargeables. Soit vous les utilisez en l'état, soit vous vous les appropriez à votre façon, et dans ce cas n'hésitez pas à nous envoyer ce que vous avez réalisé. Allez pour cela à la rubrique : nous contacter.

 

Quelle est notre visée ? La cotisation sociale finance des pensions et des soins de santé libérés de la propriété lucrative et montre qu'il n'y a nul besoin d'accumulation financière pour financer l'investissement. Le salaire à la qualification du secteur privé, le grade de la fonction publique, le salaire à vie des retraités montrent que l'on travaille mieux, et pour faire des choses plus utiles, quand on est libéré du marché du travail. Nous pouvons nous appuyer sur ces anticipations pour poser au cœur des droits politiques notre capacité, individuelle et collective, de créer la valeur économique sans employeurs ni prêteurs.

 

Si vous êtes convaincus de l'utilité de notre démarche, rejoignez-nous, participez à notre travail. Vous pouvez aussi nous soutenir financièrement, par un don ponctuel et, mieux encore, un don mensuel. C'est urgent et vital pour nous car nous ne nous finançons que par vos contributions. D'avance merci !

[par Bernard Friot 29 janvier 2012 : cf. Retraites, salariat et émancipation : l'analyse de Bernard Friot]

 

Le lexique ci-dessous met face à face deux séries de mots ou d’expressions en apparence similaires, substituables ou proches. Ils sont séparés par le mot VERSUS, qui exprime leur opposition ou leur incompatibilité car les mots ou expressions avant « VERSUS » relèvent de la logique capitaliste, les mots ou expressions après « VERSUS » d’une logique visant à s’en émanciper.

[*] signifie que le mot ou l’expression fait partie des mots ou expressions définis dans ce lexique.

 

[par Christine Jakse 19 juin 2011]


Compétence et Employabilité

VERSUS

Qualification professionnelle et Statut

 

Compétence : qualité reconnue à un travailleur par son employeur pour exercer une ou plusieurs tâches requises pour un poste X ; l’ensemble des qualités peut couvrir les savoirs, savoir-faire, savoir-être ; le niveau et la forme de valorisation (ex. prime), évolutifs, sont discutés dans le cadre d’un rapport interindividuel travailleur-employeur, et décidés en dernière instance par l’employeur. Le management constitue l’ensemble des compétences requises pour encadrer ; il comprend la maîtrise des techniques qui visent à augmenter la productivité des ressources humaines[*] ; ces techniques concernent l’organisation du travail, du temps, la gestion des conflits, le contrôle, etc.

 

Employabilité : capacité de l’individu à occuper un emploi en fonction de ses compétences[*], évaluées par l’employeur, en particulier au moment de l’embauche. Ressource humaine[*] en devenir.

 

Qualification professionnelle (secteur privé) : ensemble des attributs requis pour occuper un poste de travail valorisés monétairement par un salaire[*] et des revenus[*] (ex. primes, intéressement, participation). Le salaire est inscrit dans une grille salariale, à l’échelle de la branche professionnelle, négociée[*] par les organisations syndicales et patronales[*], avec un encadrement de l’Etat. Le tout est consigné dans une convention collective. En cas de contradiction entre le Code du travail et la convention collective, ce sont les dispositions les plus favorables au salarié qui sont applicables. Il s’agit du principe de faveur. La qualification professionnelle est attribuée au poste de travail, et par transposition, au producteur[*] au moment où il l’occupe.

 

Statut du salarié dans le secteur privé : ensemble des droits du salarié, régis par la convention collective de branche, le code du travail et le code de la sécurité sociale.

 

Statut de la fonction publique : il englobe notamment un droit à un salaire jusqu’à la retraite inscrit dans une grille indiciaire, en fonction du grade, un droit à une progression salariale systématique reposant sur l’ancienneté[*], un droit à la mobilité sans perte du grade et qui repose sur des critères qui excèdent des considérations professionnelles (comme le rapprochement familial, de conjoint, l’ancienneté de la demande), un droit au détachement sans perte du grade. Le grade est le nom de la qualification professionnelle dans la fonction publique, attribuée à la personne du fonctionnaire ; cette caractéristique déterminante distincte de la qualification dans le secteur privé, évite au fonctionnaire tout phénomène de déqualification.

 

Expérience

VERSUS

Ancienneté

 

Expérience  : forme de compétence[*]. Elle correspond à la durée de travail passée dans un poste X. Parce qu’elle est l’expression du caractère expérimenté du salarié sur ce poste, elle constitue un critère de recrutement important et d’élévation du revenu[*]. Elle évite une formation coûteuse à l’employeur car elle fait du salarié un employable. De fait, elle écarte tout jeune postulant.

 

Ancienneté : critère du statut de la fonction publique[*]. Elle correspond à la durée de travail passée dans tous les postes antérieurs. Que le salarié soit ou non expérimenté dans le poste X, l’ancienneté lui permet de rendre systématique la progression de son salaire[*] et, surtout, parce qu’intégrée dans le statut de la fonction publique[*], elle permet des mobilités géographique, fonctionnelle et ascendante, sans remise en cause de ce droit à salaire progressif.

 

Ressource humaine

VERSUS

Salarié (secteur privé) ou Agent (secteur public)

ou producteur (secteurs privé et public)

 

Ressource humaine : individu employable[*], qui présente l’ensemble des compétences[*] requises pour un poste X et dont la valorisation monétaire tend vers un revenu[*]. Ce travailleur est d’abord et principalement une ressource (nom), dont la caractéristique est ensuite et accessoirement d’être humain (adjectif) : au même titre qu’une matière première, il est – via ses compétences[*] – incorporé à la marchandise ou au service qu’il produit. L’enjeu pour l’employeur est de mobiliser cette ressource au plus loin grâce aux techniques de management[*], au moindre revenu[*]. La ressource humaine déshumanise le producteur.

Salarié ou agent de la fonction publique ou producteur : producteur titulaire d’une qualification professionnelle[*] (secteur privé) dont la valorisation monétaire est un salaire[*]  exprimé dans des grilles salariales ou producteur titulaire d’un statut de la fonction publique[*] (agent/fonctionnaire), comprenant un grade, dont la valorisation monétaire est un salaire[*] reconnu dans une grille indiciaire.

 

Revenu

VERSUS

Salaire

 

Revenu : toute ressource monétaire qui n’est pas du salaire[*].

  • Il peut s’agir d’une valeur monétaire attribuée en échange de la réalisation d’une tâche (prime de rentabilité) ou de la mise en œuvre d’une compétence (prime de technicité) ou de l’atteinte de résultats excédant les objectifs fixés (prime de performance) ; ce type de revenu renvoie à la notion de prix de la marchandise « ressource humaine[*] ».
  • Il peut s’agir d’une ressource forfaitaire tutélaire, financée par l’impôt[*], dont le montant correspond au prix des marchandises jugées suffisantes pour subvenir à des besoins primaires (RSA, minimum vieillesse, indemnité chômage du régime public, crédit d’impôt).
  • Il peut s’agir des revenus du capital non investis (produits financiers).

Salaire : tarif à la qualification professionnelle[*] (secteur privé), au grade (statut de la fonction publique[*]) négocié par les organisations syndicales et patronales[*] à l’occasion de négociations sociales[*] (c’est la négociation collective) dans le secteur privé, à l’occasion des commissions paritaires dans le secteur public. Le salaire comprend le salaire direct et l’ensemble des ressources issues de la cotisation sociale[*] (pension des régimes de base et complémentaires, indemnité du régime d’assurance chômage, ressources perçues en cas de maladie, allocations familiales). Le salaire dans la fonction publique ne peut être que progressif. Il peut être dégressif dans le secteur privé en cas de déclassement (déqualification).

 

Impôt ou taxe

VERSUS

Cotisation sociale

 

Impôt ou taxe : prélèvement sur un ou plusieurs revenus dont le taux est fixé par voie parlementaire ; l’impôt ou la taxe peut être fléché (ex. la contribution sociale généralisée dédiée notamment au financement de la branche santé de la sécurité sociale) ou non fléché (ex. TVA ou impôt sur le revenu) ; la CSG est a priori prélevée sur tous les revenus, dans les faits, sur les revenus des ménages.

 

Cotisation sociale : prélèvement sur la valeur ajoutée dont le taux est fixé par les organisations syndicales, patronales et l’Etat. La cotisation sociale finance exclusivement la sécurité sociale. Elle est partagée en deux morceaux : la cotisation salariale (minoritaire) et la cotisation patronale (majoritaire). L’une et l’autre sont un pourcentage du salaire brut (salaire net + la cotisation sociale salariale) ; chaque mois, tandis que le salarié reçoit son salaire net, l’employeur verse à l’Urssaf l’ensemble de la cotisation, salariale et patronale.

 

Partenaires sociaux

VERSUS

Organisations syndicales et patronales

 

Partenaires sociaux : représentants des salariés et du patronat en premier lieu, dans l’optique d’imposer l’idée de consensualisme, la notion de « partenaires » nie un double conflit ; celui qui oppose les syndicats de salariés aux représentants patronaux, ce qui pourrait s’apparenter à un déni de l’opposition de classes (capital / salariat) et celui qui oppose les organisations syndicales entre elles d’une part, les organisations patronales entre elles d’autre part, correspondant notamment à un déni d’opposition entre catégories de travailleurs (ex. cadres, non cadres) et catégories de patronats (ex. petits patrons, grand capital). En second lieu, l’adjectif (sociaux), dans cet usage précis, exclut tout caractère politique à la lutte syndicale et range la revendication hors de l’économique. Le social minore la portée des revendications, car le social se situe en deçà de l’économique et du politique dans les hiérarchies de l’idéologie dominante qui traverse toute notre formation sociale[*], alors même qu’une revendication salariale relève de l’économique au sens de l’idéologie dominante (coût du travail) et du politique si l’on convient que le salaire est une institution politique.

 

Organisations syndicales et patronales : les deux expressions opèrent une scission nécessaire pour affirmer le caractère conflictuel des parties opposées et, les pluriels indiquent la pluralité des représentations salariales et patronales.

 

Dialogue social

VERSUS

Négociation sociale

 

Dialogue social : échange, consultation des partenaires sociaux[*] sur des objets sociaux au sens de l’idéologie dominante (c'est-à-dire non économique, y compris par exemple sur des objets comme le salaire, et non politique, y compris sur des objets comme par exemple la répartition de la valeur ajoutée), dans le cadre des relations sociales[*].

Négociation sociale : confrontation sur des objets sociaux par nature conflictuels, entre représentants d’intérêts opposés, les organisations syndicales et patronales, en vue d’aboutir à un compromis ou un accord.

 

Relations sociales

VERSUS

Rapports sociaux

Relations sociales : échanges entre parties de même nature et de force équilibrées ou équivalentes, éventuellement à la recherche d’un consensus. Dans le domaine professionnel, expression compatible avec celles de dialogue social[*] et de partenaires sociaux[*].

 

Rapports sociaux : ensemble des rapports, conflictuels ou non, équilibrés ou non, interindividuels ou entre groupes, constitutifs d’une formation sociale[*] (rapport de parenté, médecin-malade, capital-travail, sociaux de genres...) ; le terme suggère l’existence de deux faces d’un même objet. La notion de social embrasse l’ensemble des formes que prennent ces rapports. Dans le domaine professionnel, expression voisine de celles de négociation sociale[*] et d’organisations syndicales et patronales[*].

 

Marché du travail

VERSUS

Appareil de production

 

Marché du travail : rencontre entre une offre de travail et une demande d’emploi, qui fait du travailleur un employable[*] et une ressource humaine[*], dont le prix est un revenu[*].

 

Appareil de production ou appareil productif : lieu de transformation de la matière (physique, intellectuelle) par le producteur, porteur d’une qualification[*] et d’un statut[*], payé par un salaire[*].

 

Société

VERSUS

Formation sociale (à approfondir)

 

Société : ensemble des composantes institutionnelles d’un pays. L’expression renvoie à un état fixe du pays et de ses institutions, hiérarchisées (dans l’ordre : politiques, financières, économiques, sociales).

Formation sociale : situe le pays ou toute autre territoire faisant unité dans une dynamique historique de transformation passée et à venir.

 

Egalité des chances ou Equité

VERSUS

Egalité de droit (ou de traitement)

 

Equité ou égalité des chances : l’équité part d’un postulat selon lequel il y a des inégalités justes et d’autres injustes. L’équité justifie des droits différenciés pour les premières et la recherche d’égalité pour les deuxièmes : par exemple, au nom de l’équité, la revendication ou la décision va porter sur un niveau de retraite variable selon la durée de cotisation du cotisant ou sur une indemnité chômage strictement contributive (un jour cotisé=un jour indemnisé). Parallèlement, tous les individus présentant les mêmes caractéristiques doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits (ex. les personnes ayant commencé à travailler à 14 ans doivent pouvoir prendre leur retraite à 60 ans). La notion de « mérite » et de « responsabilité individuelle » sont implicites dans la notion d’équité, plus explicites dans la notion - proche - d’égalité des chances. Celle-ci invite l’individu à saisir sa chance pour acquérir un droit (école). Elle masque les inégalités de base ou antérieures, reposant notamment sur des déterminants extérieurs à l’individu (origines sociales).

 

Egalité (ou égalité de traitement) : le droit est universel. Par exemple, un droit à retraite à taux plein pour tous à 60 ans, que le nombre d’annuités soit complet ou non, que la personne ait commencé à travailler à 14 ans ou non (sur le même sujet : Egalité, équité, égalité des chances : de l'ordre des mots).

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 10:33

 

La cgt
http://www.cgt.fr/Le-Medef-differe-mais-ne-renonce.html
Négociation Compétitivité-emploi

Le Medef diffère mais ne renonce pas à ses ambitions

vendredi, 13 avril 2012

Le Medef espérait obtenir un accord aujourd’hui. Cela n’est pas le cas.


La CGT s’en réjouit, elle qui avait mobilisé en ce sens en informant les salariés et en les invitant à s’exprimer avec leurs représentants. D’autres acteurs ont également manifesté leur opposition à ces accords. Le Medef a dû tenir compte de ce rapport de force.


Pour autant, le danger existe toujours. Une prochaine réunion est fixée au 16 mai. Le texte proposé par le patronat aujourd’hui même n’a pas évolué sur les aspects fondamentaux.


Le Medef entend toujours imposer la flexibilité aux salariés et s’affranchir de tout risque juridique. Comme précédemment, il s’agit de baisser les salaires et de faire varier la durée du travail en échange d’un hypothétique engagement à maintenir l’emploi.


La libéralisation du licenciement reste singulièrement en ligne de mire.


Gêné par les normes internationales qui pourraient invalider le texte, le Medef cherche la parade en remplaçant le terme de licenciement par celui de « rupture sui generis ». Le but du patronat est d’empêcher l’intervention du juge sur le bien-fondé du licenciement, et d’échapper aux règles applicables aux entreprises en matière de licenciement économique.


Le patronat refuse toujours de s’engager sur des « contreparties ». Pas un mot sur les dividendes, les actionnaires ou la responsabilité des groupes.


Il pousse la provocation en refusant toute sanction en cas de non respect des engagements de l’entreprise ou de fausses informations sur la situation économique.


Ce projet s’inscrit dans une logique commune à toute l’Europe à laquelle les syndicats européens avec la Confédération Européenne des Syndicats s’opposent : celle de la cure d’austérité et de la dérèglementation du travail.


Les salariés ont toutes les raisons de continuer à mettre cette négociation sous surveillance. La CGT poursuivra dans ce sens en informant et en mobilisant pour d’autres réponses à la crise actuelle. D’ores et déjà, elle appelle les salariés à se mobiliser dans l’unité pour l’emploi, les salaires, la protection sociale à l’occasion du 1er mai.


Montreuil, le 13 avril 2012


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