Puisque l’été sera pourri, autant prendre des coups de chaud grâce aux rayonnements de trois livres parus ce printemps. Ils ont en commun de nous plonger au cœur de différents épisodes révolutionnaires et de laisser le souffle brûlant de leurs acteurs nous faire vivre au plus près d’extraordinaires destins. Les trois ouvrages ont également en commun de fouiller au-delà des recettes toutes prêtes d’un matérialisme historique rustique jusque dans les rêves qui lèvent les hommes et les foules.
Le c
ommunisme du Christ-Vrai
Le premier livre est un essai qui nous emmène en 1520 suivre à la trace le prédicateur Thomas Münzer qui sera à la tête de la Guerre des Paysans. Forte utile cette réédition du livre de Ernst Bloch dont il n’est pas nécessaire de partager toutes les intuitions pour tenter d’explorer le lien intime entre la Foi et le rêve d’égalité qui leva l’armée des paysans et des mineurs contre l’Eglise catholique dévoyée et les seigneurs arrogants. A moitié livre d’histoire, à moitié livre de théologie. Münzer vivra sa passion jusqu’au sacrifice suprême non sans troublante ressemblance avec le martyr du fils putatif d’un charpentier. A noter l’excellente introduction de T. Labica qui restitue l’enjeu de cette réédition dans le champ de la guerre idéologique face aux pseudos-philosophies de l’anti-totalitarisme qui n’hésitent pas à faire des Jacqueries millénaristes les précurseurs des crimes d’Hitler et de Staline.
Le Communard méconnu
Maxime Lisbonne n’est pas le plus connu des héros de La Commune de Paris. Il n’eu pas de fonction politique majeure, mais un rôle courageux en première ligne dans les batailles autour de Paris jusqu’à la Semaine Sanglante. Didier Daeninckx livre ici une fausse autobiographie qui se donne comme un journal de bord d’un acteur et d’un observateur du siècle. De retour des bagnes, il gagnera sa vie de bateleur en tenant gargottes et journaux, spectacles édifiants et pitreries qui ont peut être inspiré un Jean Edern-Hallier. Ici aussi l’émotion partout présente donne une vraie leçon d’histoire débarrassée de toute grandiloquence.
Les perdants magnifiques des années 20
Paco Ignacio Taibo II nous livre lui douze portraits traversant la planète dans les combats furieux ouverts en 1917. Partout la poudre, le feu, la mort. La fraternité des armes et des espoirs. La trahison aussi. Douze portraits d’aventuriers incroyables certains célèbres (Ioffé, Reissner ou Durruti) et d’autres beaucoup moins (Escudero, Hölz, P’eng P’ai). Là encore, en septembre, il sera temps de relire quelques classiques pour chipoter quelque détail, disputer quelque conclusion voir dégainer quelque amendement. Mais pour l’heure jouissons des pages qui nous offrent l’extraordinaire spectacle, l’éprouvante proximité et jusqu’aux parfums des drames du siècle n°19.
Ces trois livres ont le même mérite de ramener l’histoire dans ses affres humaines, terriblement humaines avec grandeurs et décadences incluses. A l’opposé de tout manuel mais avec une passion partagée sans laquelle aucune révolution n’est possible. Pour des vacances qui s’annoncent pluvieuses, c’est déjà beau.
Jean-Yves Lesage
Thomas Munzer, théologien de la révolution ; un essai de Ernst BLOCH chez Les Prairies Ordinaires.
Le banquet des affamés ; un roman de Didier Daeninckx chez Gallimard.
Archanges ; 12 nouvelles de Paco Ignacio Taibo II chez Métailié.