Chuck Palahniuk est en grande forme. Son dernier ouvrage, Pygmy, est une vraie réussite.
Sans rien dévoiler de l'intrigue et des incroyables et incontournables rebondissement palahniukiens, il s'agit du journal de bord d'un adolescent, surnommé Pygmy, espion envoyé par un mystérieux pays totalitaire pour exercer une vengeance contre les Etats-Unis. Cette mission est l'occasion pour Chuck Palahniuk de dresser un réquisitoire sans concession sur les Etats-Unis, les Etatsuniens, leur mode vie, leur "morale", en faisant raconter sa découverte de ce monde étrange par Pygmy.
Chuck Palahniuk y poursuit avec la même inventivité que dans ses précédents ouvrages son exploration de la déconstruction du style. Le style est télégraphique, embrouillé, plein de mots inventés, concaténés, comme compressés ensemble, de barbarismes rendant les hésitations de Pygmy avec la langue, mais aussi la froideur de sa détermination et de son analyse de l'Amérique. Si la manière dont ce roman est écrit déroute forcément, il ne faut surtout pas s'arrêter à cette première impression. L'effort nécessaire pour suivre les compte-rendus de Pygmy fait partie intégrante du plaisir quelque peu masochiste procuré par cette oeuvre.
Chuck Palahniuk ne déroge pas à sa description crue et directe du monde dans toute sa violence. Non pas qu'il se complaise dans l'hémoglobine. Mais cette mise en perspective de la brutalité de ce et ceux qui nous entourent est un élément central et récurrent de l'oeuvre de Palahniuk. Ainsi, avis aux âmes sensibles: si la description terrible d'un viol dans des toilettes de collège vous effraie, évitez ce roman.
Le thème de la dépendance, récurrent chez Palahniuk, est bien présent même s'il est plus caché que dans des oeuvres comme Choke ou Survivant. Il s'agit cette fois de traiter les thèmes de l'addiction à la vengeance mais aussi au cocon familial. Et c'est ce dernier point qui constitue le seul bémol à apporter dans la dythirambe. La fin... laisse un peu sur sa faim! Elle donne un peu l'impression que Palahniuk s'est retenu pour rendre le livre supportable pour les producteurs holliwodiens.
Néanmoins, tout amateur de littérature se ruera sur ce dernier opus d'un des auteurs les plus inventifs et les plus déroutants qui soit.