« Elle mise sur le bon sens, chose du monde, on le sait, la mieux partagée. Comme la bêtise. A son niveau, à ce point de rencontre, les deux s’équivalent. Elle est un trait du personnage, sans doute ; elle ne s’invente pas, mais il a su admirablement se l’approprier et la parfaire. Laissant, dans la répartition à droite des effets médiatiques, la componction à Balladur, la suffisance à Barre et à Chirac, qui avait, avant lui, su jouer les méchants du gaullisme, une sorte de bonhomie paterne s’étonnant de ses propres trouvailles : « la fracture sociale ». Et il a su, dans ce domaine, battre un Le Pen qui, s’il le dépasse en pitrerie réelle ou feinte, en appel autosatisfait à l’opinion commune, ne fait plus le poids. Visage et aussi geste ; l’autosatisfaction est généreuse de la tape dans le dos, de l’étreinte, qui appartiennent au même registre : la conviction que l’accord d’autrui va de soi. (...) » René Schérer
« (...) Con. C’est le mot. Tout d’abord con, c’est ce qui est dit ici, et de surcroît pauvre, c’est l’épithète. Le con est pauvre et il est marqué aux fers, en première instance, par cette faiblesse, cette incomplétude, ce manque à gagner. C’est le pouvoir qui parle et c’est le pauvre qui fait le con : il peut ne pas se sortir de cette situation, matérielle et par le bas, il peut ne pas comprendre l’interpellation en sujet défait, dé-terminé, dé-construit, alors il va en justice (ce que le con en question a fait) et il perd le procès de son humaine citoyenneté. Quelques euros perdus et le tour est joué. (...) On dira désormais : con de pauvre, comme on pensera : pauvre con. Avec cette parole, le sarkozysme démontre son antihumanisme primaire ou primal (comme le cri). (...) » Alain Jugnon
« (...) Le pouvoir « décomplexé », celui qui se veut libéré du principe inhibiteur que constitue l’exigence d’un espace commun, est celui-là même qui renvoie à la source primitive du pouvoir, à un concept archaïque du politique : la radicale séparation des gouvernants et des gouvernés, le renvoi de la souveraineté à la classe dirigeante et la définition de l’activité politique comme simple rapport de domination. Si la seule inhibition possible de l’abus de pouvoir est l’efficacité des contre-pouvoirs, alors le pouvoir « décomplexé » n’est pas simplement celui qui érige le cynisme en principe de gouvernement, mais plus encore celui qu’anime un fantasme de toute puissance radicalement pathogène pour lui-même, c’est-à-dire suicidaire. De ce point de vue, le système politique français issu de la première décade des années deux mille ne fait pas exception mais symptôme : il énonce les principes fondateurs de la dérégulation libérale contemporaine comme des principes de retour au féodal. (...) » Christiane Vollaire
« (...) La véritable nouveauté du fascisme démocratique contemporain, c’est précisément ce que veut pointer l’adjectif : peu importe que ce soit fasciste, l’important est que ce soit « démocratique » et que tous soient d’accord sur l’essentiel (le maître mot de ces régimes historiques aura été celui de « consensus », marqués à jamais par la componction mitterrandienne) : que les exploités acceptent d’être exploités, à condition qu’on leur offre sur un plateau qui est plus exploité qu’eux, c’est-à-dire les immigrés. Phrase en vogue dans la grande bourgeoisie française actuelle : « Il nous faut un homme fort ou une femme forte. » Martine risque d’empocher la mise, mais Marine s’implanter de manière plus endémique que ne l’a jamais fait son père. (...) » Mehdi Belhaj Kacem
« (...) Utilisée notamment comme arme contre une guerre des religions, la laïcité retrouve toutes les vertus, du moins quand la religion chrétienne cesse d’être hégémonique en France : le sous-entendu est évident : à la différence de la religion chrétienne, la religion musulmane, relevant d’autres racines culturelles, menacerait la France. La laïcité devient ainsi un fer de lance pour « l’identité nationale » (...). On pourrait croire qu’ici le discours ne distingue pas entre les religions, les tenant toutes pour capables d’une morale jugée supérieure à une morale laïque, mais on négligerait ainsi la remarque selon laquelle, pour ce qui relève de la transmission des valeurs et de l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur [je souligne] ». Qu’un imam puisse transmettre ce type de morale est par conséquent chose exclue d’emblée, ce qui indique bien qu’il s’agit ainsi de transmettre les « valeurs » de la France éternelle, fille aînée de l’Eglise, pour laquelle l’islam constituerait un corps étranger, insusceptible de la moindre greffe. (...) » Alain Naze
« Quelques jours avant qu’éclate puis se propage « l’émeute de novembre 2005 », Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, repoussé par les quolibets et les jets de projectiles sur la dalle d’Argenteuil (Val-d’Oise), avait déclaré devant une caméra à une habitante qu’il « débarrasserait (la ville) des voyous », qualifiant certains jeunes de « racaille », promettant de revenir et s’engageant ainsi personnellement dans une sorte de joute avec « la rue ». (...) En fait, que Nicolas Sarkozy n’ait pas intériorisé les dispositions de la position et les censures qu’elle exerce ou qu’il s’agisse de « faire peuple », le mobile est le même. Il s’agit d’attirer à soi les suffrages de la fraction « établie » des classes populaires, en renforçant, par une surenchère sécuritaire incessante, les divisions qui les traversent, à commencer par celle entre « ouvriers de cités » assimilés au stéréotype du « jeune des cités » et « ouvriers pavillonnaires » hâtivement assimilés aux travailleurs indépendants (artisans et commerçants). » Gérard Mauger
« Nom commun, masculin. Cette dénomination qui semble désigner une doctrine ou un corps de principes et de comportements n’a pas d’origine identifiable. On a pensé au grec sarx, sarkos : la chair : et dans ce cas il s’agirait d’une espèce de cannibalisme. Ce pourrait être aussi dérivé de sarcasme qui renvoie à la même racine (« mordre à la chair »), une façon de systématiquement se moquer de manière acerbe, voire cruelle. On a aussi pensé que dans certains manuscrits ou tapuscrits ce serait une erreur de transcription pour sarcosine, qui est un terme de chimie (N-méthyle de glycine, marqueur en particulier du cancer de la prostate). Certains chercheurs ont évoqué le nom de Sarkozy (Nicolas) qui fut présidet de la République française au début du XXIe siècle. Il provenait d’une région : la Transylvanie : connue pour sa population de vampires. Mais depuis l’inclusion de la France dans la Fédération Ottomane et Ouraltaïque, toutes ces archives ont été bouleversées. On a cru y voir aussi une déformation de shark’sism, état de terreur provoqué par l’approche d’un requin. (...) » Jean-Luc Nancy
« (...) Terrorisme fut l’un des signifiants auxquels nous avons été forcés de répondre avec la plus grande urgence, particulièrement lors de la séquence dite de « l’affaire Tarnac », de l’incarcération de J. Coupat et de nombreux autres sous les chefs d’inculpation suivants : « direction et organisation de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, destruction et dégradation en réunion en relation avec une entreprise terroriste, refus de se soumettre à un prélèvement biologique en relation connexe avec une entreprise terroriste ». Difficile de dire si nos réactions ont été en mesure de dégonfler l’appareil médiatique qu’il supportait ; la rhétorique du « terrorisme d’ultragauche » semble s’être aujourd’hui essoufflée, mais restent les mesures policières et judiciaires conséquentes à la bouffée délirante organisée. (...) » Mathilde Girard
« (...) Cette politique (est) désormais servie par une administration ad hoc laquelle mobilise l’ensemble de l’appareil d’Etat dans le cadre d’un véritable plan quinquennal d’expulsions qui court de 2007 à 2012. La « lettre de mission », envoyée tous les ans par le président de la République et le chef du gouvernement au ministre des Expulsions, en témoigne puisqu’elle fixe le nombre d’étrangers à « raccompagner » (sic) dans « leur pays d’origine » selon l’expression délicate forgée par des experts en communication (...). Un tel plan est sans précédent dans l’histoire récente de « la-patrie-des-droits-de-l’homme-et-du-citoyen », et sans équivalent sur le Vieux continent, ce qui fait de la France la championne européenne, et pour le moment incontestée, de la mise en oeuvre d’orientations xénophobes. (...) » Olivier Le Cour Grandmaison