Retour sur le passé... de quelques semaines.
Les rencontres entre les différents acteurs de la lutte pour la régularisation des sans-papiers (associations et organisations syndicales) ont fait émerger une réalité de situations bloquées de toutes part, où l’arbitraire préfectoral bat son plain en s’appuyant sur un empilement de lois, circulaires, décrets d’applications, et autre télégramme dont les critères exposés sont très subjectifs ou carrément pas appliqués. Seul le rapport de force est payant. Mais il doit être de plus en plus « musclé ».
Ainsi, dans la perspective d’une reprise de mobilisation des travailleurs sans-papiers le 23 septembre une première réunion rassemblait, à l’initiative de la CGT, organisations syndicales et associations pour définir ensemble les modalités d’actions. Elles se sont poursuvies de semaine en semaine et perdurent aujourd’hui , après le début du mouvement de grève. Une lettre au premier ministre demandant une circulaire de régularisation pour les travailleurs sans-papiers est signée par les 11 participants : CGT, CFDT, UNSA, Solidaires, FSU, Autre Monde, LDH, RESF, Femmes Egalité, Cimade, Droits Devant !!.
Puis se construisent les modalités de la lutte, stratégie et objectif. Face au bilan mitigé du mouvement de l’année passée, le curseur est placé plus haut. Il ne s’agit plus de déposer puis négocier des dossiers de régularisation par le travail dans chaque préfecture, mais d’interpeller directement le gouvernement pour lui arracher une circulaire de régularisation qui « doit définir des critères améliorés, simplifiés, appliqués dans l’ensemble du territoire national. Elle doit garantir une égalité de traitement de chaque salarié(e) quel que soit son lieu de travail et à l’intérieur d’un même lieu de travail. Elle doit définir une procédure de régularisation sécurisée et standardisée quel que soit le département ».
Des revendications pour mettre fin :
- aux critères subjectifs d’ « intégration » ou de maîtrise de la langue française,
- à ceux qui sont absents de l’article 40, comme le temps de présence en France,
- aux différences de traitement selon les nationalités - algériens et tunisiens - et tous ceux dont le pays a signé un accord bilatéral, situation qui conduit à des aberrations qui font, par exemple, que les sénégalais peuvent travailler dans la sécurité mais pas les maliens....
- aux applications locales et fantaisistes des 150 métiers en tension
- au licenciement suite à la déclaration de sa situation de sans-papier
- à la multiplication des autorisations provisoires de séjours, souvent sans autorisation de travail
- au harcèlement papivore administratif qui veut qu’il manque toujours un papier, un justificatif, un tampon..
La grève, outil de la victoire
Parce que les travailleurs sans-papiers fournissent une part très importante de plusieurs secteurs de l’économie - BTP, Restauration, nettoyage, sécurité, aide à la personne, ...- leur arme c’est la grève. Paralyser une partie du système, dénoncer leur sur-exploitation et leurs conditions de travail est à l’ordre du jour.
L’acte II a été pensé pour permettre la lutte des travailleurs regroupés dans une même entreprise mais aussi de ceux qui sont isolés dans leur boite (les « individuels »). Ces derniers sont appelés à se rassembler dans un lieu commun par branche professionnelle, comme par exemple à la fédération nationale des travaux publics en ce qui concerne les travailleurs du BTP. Pas d’exclusion, non plus, en ce qui concerne les travailleurs au noir, sans fiche de paie.
Une carte de grèviste avec photo - gratuite et non siglée syndicalement - est remise à chaque grèviste afin d’en recenser le nombre et de (tenter) les protéger contre les interpellations dont ils pourraient être victimes lors de leurs déplacements hors du lieu occupé.
Aucun dossier en tant que tel ne sera constitué, aucune liste établie, mais il sera demandé à chaque employeur de remplir les documents « cerfa » de régularisation par le travail - contrat de travail et taxe Anaem - pour chaque gréviste et ils seront centralisés entre les différentes organisations syndicales.
Ces modalités de lutte sont partagées et organisées à la fois par la CGT et Solidaires, seul partenaire syndical ayant engagé aujourd’hui des mouvements de grève, qui se rencontrent régulièrement.
Le rôle des soutiens
Cette lutte, à la différence de la précédente en 2008, a été préparée avec le concours d’un certain nombre d’associations. La victoire des travailleurs sans-papiers sera une victoire non seulement syndicale mais aussi de l’opinion publique. La présence, aux côtés des grévistes, du réseau éducation sans frontières et de la ligue des droits de l’homme, notamment, devra permettre une popularisation des luttes, un soutien technique et politique sur chaque piquet. Conscients que la victoire des uns fera avancer la lutte des autres et que seule l’unité la plus large possible a des chances d’ébranler la politique gouvernementale, associations et syndicats avancent ensemble pour la première fois.
Etat au troisième jour de grève
Partis à 1300 le lundi 12 octobre, il sont 2300 mercredi 14 octobre répartis dans 34 sites. Ils sont (encore) concentrés en région parisienne (75, 91, 92, 93, 94) mais l’espoir de voir le mouvement s’étendre en province est toujours présent. Dans une semaine, combien seront-ils ?
Une pétition nationale issue du groupe des onze (signataires) est disponible sur chaque piquet.
Une campagne de collecte de fonds (centralisée) au profit des grévistes est mise en place.
Les grévistes ont besoin du soutien de tous !
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