L'opuscule de Stéphane Hessel, Indignez-vous, a "créé le buzz", comme on dit. En s'écoulant à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, ce court texte a surpris. Au premier abord, l'initiative d'Hessel semble sympathique. Il invite, de prime abord, à refuser la résignation, à cultiver l'esprit de résistance. Bref, des valeurs dans lesquelles les communistes libertaires doivent se retrouver.
Malheureusement, quand on met vraiment le nez dans le texte, il se révèle être une bien piètre guimauve sociale-démocrate. Comme toutes les guimauves sociales-démocrates, elle paraît bonne à la premièr bouchée; en tout cas, pas agressive, facile à avaler. Puis on la trouve raipdement insipide. Et rapidement, on passe à une légère nausée. Oh, pas trop grave, juste comme quand on avale un truc qui se révèle totalement inconsistant.
En premier lieu, Hessel nous dresse une vision de l'Histoire totalement figée. Le sens de l'Histoire pour lui, c'est de tenter de revenir au paradis perdu de 1945 et du programme du Conseil National de la Résistance. Pas sûr que toutes les personnes ayant vécu ces années de fin de la guerre trouvent qu'il s'agisse d'un paradis perdu, d'un absolu indépassable de progrès social. Car c'est de cela qu'il s'agit: pour Hessel, on n'a jamais rien fait que le programme du CNR, et surtout, on ne fera jamais mieux. Au diable la lutte des classes et la dialectique, à la lire! Non, tout a été dit, pensé, imaginé par le CNR, et le sens de l'Histoire ne consisterait plus qu'à défendre pied à pied cet absolu social. Voilà bien un manque d'imagination en contradiction assez flagrante avec celle dont les membres du CNR ont fait preuve pour mettre au point leur programme!
Mais le pire de miévrerie arrive page 19, avec les parties intitulées "La non-violence, le chemin que nous devons apprendre à suivre" et "Pour une insurrection pacifique". Heureusement pour Hessel (et pour nous) qu'il y a eu des résistants pour ne pas souscrire à sa vision du monde digne du monde des Bisounours! En disqualifiant une large part des moyens d'actions des forces sociales et des forces de résistance et d'insurrection, Hessel disqualifie son discours. Il fait le postulat, non étayé, non argumenté, que la non violence serait l'absolu. Cette posture figée n'a aucun sens. La non-violence peut être un moyen d'action pertinent dans certains cas, tout comme la violence l'est dans d'autres cas, surtout dans notre société ultra-répressive où il suffit de presque rien pour être qualifié de violent, de "casseur" voire de "terroriste". Hessel veut condamner nos indignations à une quasi impuissance.
En résumé, l'indignation version Hessel, c'est l'indignation version Ile aux Enfants!