... Et toujours décidés à occuper leur usine !
La Seine Saint Denis compte plus de 125.000 chômeur-se-s. Et peut-être davantage si est jeté le sort de l'usine de production de PSA CITROEN à Aulnay-sous-Bois, avec ses 3300 emplois directs (et près de 10000 en comptant la sous-traitance et les services afférents). La mise en liquidation le 29 mai 2012 de l'imprimerie ROTOS 93 du Blanc-Mesnil par le Tribunal de commerce de Bobigny qui a ordonné sa cessation d'activité à partir du 6 juin concerne quant à elle 24 salariés. Ces ouvriers âgés de 27 à 62 ans qui sont tous à la CGT ont travaillé dans cette usine qui assurait encore il y a quelques semaines l’impression de six quotidiens de courses et de football, trois magazines (dont le nationaliste « Rivarol » !), ainsi que le tirage du journal de Lutte Ouvrière. Comme l’ont écrit les salariés dans leur premier communiqué, « Les salariés ont été mis devant le fait accompli, le personnel averti une semaine avant le dépôt de bilan. Ils ont quand même tenté d'apporter des solutions en proposant plusieurs alternatives. La direction a refusé tout dialogue avec les représentants du personnel ».
« Ouvriers oubliés »
En arrivant à l’entrée de l’usine, une banderole a été déployée : « ouvriers oubliés ». Les vingt-quatre salariés de Rotos 93 sont évidemment amers depuis la décision du tribunal de commerce. Mais le découragement n’a pas eu pour effet l’impuissance, puisqu’ils ont décidé d’occuper leur usine, si nécessaire avec leurs familles afin de peser dans le rapport de force. Le gérant de Rotos 93 a affirmé dans le quotidien Le Parisien « avoir tout fait pour sauver l’entreprise » et « averti les salariés des difficultés ». « La crise de la presse est telle que nous avons perdu plusieurs publications importantes ces dernières années ». Traduction : après des années de privatisation des bénéfices pour ces assistés de patrons, voici venu le temps de la socialisation des pertes assurée par les contribuables.
Pendant ce temps, face à la gabegie capitaliste dont la conséquence est la mise à la rue des travailleurs et la casse de l’outil de production, la solidarité interprofessionnelle organisée par l’union locale CGT du Blanc-Mesnil se met en place. Le SIVURESC (le syndicat intercommunal de restauration scolaire pour les communes de Pantin et du Blanc-Mesnil) où pèse la CGT a apporté de la nourriture, pendant que la CGT des territoriaux relaie auprès de la collectivité et des élus la situation des Rotos. La députée Front de gauche de la circonscription Marie-George Buffet est venue soutenir les salariés en leur promettant d’intervenir auprès du préfet, ainsi que des conseillers municipaux du Blanc-Mesnil (dont celui de LO qui travaille à PSA).
Du foutage de gueule !
Après 35 jours d'occupation, la solidarité ouvrière locale fonctionne toujours à plein, et le bail précaire obtenu après négociations en préfecture avec l'ancien taulier est passé de 6 mois à un an. Un progrès timide mais réel qui hélas n'empêchera pas l'été d'être long et sans vacances si les ROTOS veulent garder leur seul gros atout en main (leur principal client propriétaire des titres les plus importants est prêt à redémarrer avec eux). Ce qu'il faut obtenir dorénavant, c'est un bail de trois ans afin d'éviter le déménagement (lourd financièrement) et un peu de capital afin de faire repartir la machine.
Un courrier à Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a été également envoyé. Saisi du dossier, ce dernier l'aurait à son tour transmis à son collègue Benoît Hamon de l'économie sociale et solidaire ! Du foutage de gueule, pas moins ! Et si le PS faisait un peu moins preuve de mépris à l'égard de la classe ouvrière en décidant d'être honnêtement en accord avec ses mots d'ordre théoriques pendant les dernières campagnes électorales, leur mise en pratique étant maintenant particulièrement autorisé depuis que ce parti est à la tête de l'Etat, du sénat, de l'assemblée nationale et des régions ?
Entre les capitalistes qui pompent puis jettent les salariés et l’Etat qui est sommé de jouer, quand il le veut (par exemple avec les banques), les pompiers de secours avec nos impôts, il serait peut-être définitivement temps de sauter le pas en pratiquant l’auto-organisation ouvrière.
Articles précédents concernant les ROTOS 93 : ici, ici et ici
Ce texte est la version longue de l'article paru dans le prochain numéro d'été d'Alternative Libertaire.